
Des rumeurs ont couru lundi sur une démission imminente du chef du gouvernement italien, à la veille d'un vote crucial au Parlement sur les finances publiques du pays. Très fragilisé, Silvio Berlusconi a démenti ces informations "infondées".
REUTERS - Silvio Berlusconi, lâché par de nombreux députés de sa majorité à la veille d'un vote décisif au parlement, a démenti lundi les rumeurs de démission imminente circulant sur les marchés financiers et sur internet. Un vote négatif de la Chambre des députés mardi sur les finances publiques rendrait intenable la position du président du Conseil italien, pressé par l'Union européenne de faire adopter un plan d'austérité afin d'empêcher la propagation de la crise de la dette dans la zone euro. Si le gouvernement perd sa majorité à la Chambre, des élections législatives anticipées seront inévitables, a déclaré Gianfranco Rotondi, ministre de l'Actualisation du programme de gouvernement, après un entretien avec le "Cavaliere" à sa résidence d'Arcore, près de Milan. Sur sa page officielle du réseau social Facebook, Silvio Berlusconi affirme que les rumeurs sur sa démission sont "dénuées de tout fondement". "J'ai parlé il y a peu au président du Conseil et il m'a dit que les rumeurs sur sa démission étaient infondées", a déclaré pour sa part Fabrizio Cicchitto, qui préside le groupe des élus du Parti de la Liberté (PDL), la formation de Berlusconi, à la Chambre des députés. Dans la matinée, deux journalistes proches du chef du gouvernement rapportaient que celui-ci pourrait démissionner dans la journée. "Il est évident que Silvio Berlusconi va démissionner. C'est une question d'heures, certains disent de minutes", écrivait Giuliano Ferrara, rédacteur en chef du quotidien Foglio et ancien ministre proche de Berlusconi, sur son site internet. "Il Cavaliere" démissionnera lundi soir ou mardi matin, indiquait pour sa part Franco Bechis, vice-directeur du journal Libero, sur son compte Twitter. "BERLUSCONI BLUFFE" Depuis son retour du sommet du G20 de Cannes vendredi, le chef du gouvernement italien tente par tous les moyens de convaincre les rebelles potentiels de ne pas quitter le navire en leur tenant le discours suivant: vous n'avez nulle part où aller et vous serez récompensés en restant à mes côtés. "Nous avons vérifié ces dernières heures, les chiffres parlent d'eux-mêmes: nous avons toujours la majorité", a dit Silvio Berlusconi dimanche à des adhérents du PDL. L'opposition de gauche assure que ce n'est pas le cas et prépare une motion de défiance pour faire tomber le gouvernement, dans l'éventualité où Silvio Berlusconi survivrait au vote de mardi. "Berlusconi bluffe, c'est une tentative désespérée de sauver sa peau. Il n'a plus la majorité à la Chambre", assure Dario Franceschini, membre éminent du Parti démocrate (gauche). Au sein même du gouvernement, des voix émettent des doutes sur ce qui apparaît comme un baroud d'honneur de la part du président du Conseil. "Les dernières informations qui me parviennent me laissent penser que la majorité n'existe plus et qu'il est inutile (pour Berlusconi) de se montrer implacable", a ainsi déclaré le ministre de l'Intérieur Roberto Maroni, membre de la Ligue du Nord, dimanche soir. Les journaux estiment que le nombre de dissidents est de 20 à 40 dans la majorité, largement suffisant pour faire tomber le gouvernement. Mais Silvio Berlusconi a prouvé ces derniers mois sa capacité à résister aux frondes internes. Le "Cavaliere" rencontre les indécis, passe des coups de téléphone. Un député de la coalition a raconté, après un entretien avec lui, que le président du Conseil était prêt à les récompenser par des "postes bien mérités" au gouvernement. A l'inverse, les dissidents "trahiraient le gouvernement et le pays", a mis en garde Silvio Berlusconi vendredi. Le président du Conseil, qui est âgé de 75 ans, n'envisage pas un gouvernement de techniciens ou une nouvelle équipe soutenue par l'ensemble des partis représentés au parlement. "La seule alternative à ce gouvernement serait des élections", a-t-il dit dimanche. MANOEUVRES Les observateurs comparent ces manoeuvres en coulisse à celles qui ont marqué la vie politique italienne entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et les réformes de la loi électorale en 1993 et 1994. Les gouvernements étaient vite renversés au Parlement par les différents courants de l'incontournable Démocratie chrétienne. Aujourd'hui, les députés tentés de faire tomber la coalition sont d'anciens membres de la Démocratie chrétienne attirés par le parti centriste (UDC), qui propose de soutenir une coalition allant du centre droit à la gauche. Le ministre de l'Economie, Giulio Tremonti, a dû démentir des informations de presse selon lesquelles il prédisait une "catastrophe" sur les marchés financiers cette semaine si Silvio Berlusconi ne démissionnait pas. Troisième économie de la zone euro, l'Italie est depuis plusieurs mois présentée comme le prochain Etat de l'Union européenne menacé par la crise de la dette après la Grèce. L'écart de rendement entre les obligations italiennes et allemandes à dix ans a atteint un nouveau record lundi (480 points) et le taux d'emprunt italien a atteint, lui, 6,67%, un record dans la zone euro. Les économistes s'accordent à dire qu'un taux supérieur à 7% priverait l'Italie d'accès aux marchés obligataires. Un défaut de paiement de l'Italie serait dévastateur pour la zone euro en raison de la taille de son économie qui souffre d'une croissance atone et d'une dette publique de près de 1.900 milliards d'euros représentant 120% du PIB. Yves Mersch, membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE), a fait savoir dimanche que la BCE discutait souvent de la possibilité de mettre un terme à ses rachats de titres de dette souveraine italiens au cas où Rome ne mettrait pas en oeuvre ses réformes promises.