Le 24 août, le Premier ministre français, François Fillon, avait dévoilé un premier plan de rigueur destiné à économiser 12 milliards d’euros. Pourquoi le gouvernement revient-il à la charge ?
La rigueur au carré. À peine trois mois après une première série de mesures d’austérité visant à économiser 12 milliards d’euros, le Premier ministre français, François Fillon, revient à la charge. Il a présenté, lundi 7 novembre, un nouveau plan d’économies de 18,6 milliards d’euros sur les deux prochains exercices budgétaires.
Cette nouvelle charge s’expliquerait avant tout par la nécessité de préserver le triple A, ce Saint Graal financier qui permet aux pays qui en sont gratifiés d’emprunter au plus bas taux possible sur les marchés. À la mi-octobre, l’agence de notation Moody’s avait en effet placé la France sous observation et s’est donnée trois mois pour décider si Paris méritait, ou non, de conserver son fameux AAA. “C’est clairement l’annonce de Moody’s qui est la raison principale de la précipitation française à tricoter un nouveau plan de rigueur trois mois seulement après le précédent”, confirme à FRANCE 24 Julia Cagé, économiste à l’École d’économie de Paris.
“Depuis cette mise sous observation, la lutte contre les déficits et contre la dette est devenue la priorité des Français, selon plusieurs sondages”, rappelle Julia Cagé, qui juge que ce nouveau plan vise avant tout à répondre à cette inquiétude. "Les fondamentaux de l’économie française n’ont pas vraiment changé en trois mois.”
Avec ses deux plans de rigueur, l'exécutif français essaie donc de gagner sur deux fronts. Il tente de rassurer les agences de notation et en même temps de répondre aux attentes des Français. “Le président Nicolas Sarkozy veut se présenter comme le champion de la rigueur budgétaire à l’approche de la présidentielle”, estime Julia Cagé, qui reconnaît, par ailleurs, être proche du Parti socialiste (PS).
"Le chat qui se mord la queue"
L’épisode Moody’s n'explique pas à lui seul les nouvelles mesures d’austérité. “Le gouvernement vient d’abaisser ses prévisions de croissance et devait donc réajuster le projet de budget en conséquence”, assure à FRANCE 24 Christophe Blot, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Le 28 octobre, Nicolas Sarkozy avait en effet reconnu que la croissance française en 2012 serait de 1 % en non pas de 1,7 % comme prévu précédemment.
Mais cette révision intervient tardivement. “Depuis l’été, le Fonds monétaire international, l’OCDE, et même la Cour des comptes avaient prévenu que la croissance française serait moins importante que prévu”, rappelle Julia Cagé. Avec l’accélération de la crise grecque en octobre et le risque accru de contagion à des pays comme l’Italie, la France pouvait difficilement continuer à ne pas prendre en compte la dégradation du climat économique européen. “Il y a eu une multiplication des plans de rigueur dans plusieurs pays de la zone euro ces dernières semaines [Italie, Espagne et Grèce notamment, NDLR], ce qui va avoir un impact évident sur nos exportations et donc notre croissance”, explique Christophe Blot. Dans un rapport dévoilé au début d'octobre, l’OFCE indique que si tous les pays de la zone euro cherchaient à réduire leur déficit en adoptant des plans de rigueur, la France entrerait même en récession en 2012.
La pression d’une agence de notation conjuguée à une croissance en berne explique la surenchère gouvernementale en matière de rigueur. Le nouveau train de mesures d’économies risque cependant de ne pas être suffisant. “Il prend comme hypothèse de travail une croissance de 1 %, mais la rigueur a de fortes chances de faire chuter encore davantage la croissance et donc de réduire les rentrées fiscales, craint Christophe Blot. C’est l’histoire du chat qui se mord la queue...” Car si les prévisions de croissance continuent de baisser, les agences de notation risquent de réclamer encore plus d’austérité.