
, envoyés spéciaux à la Défense – À l’instar des New-Yorkais, quelques centaines de personnes ont passé le week-end à tenter d’établir un campement sur l’esplanade de La Défense à l’ouest de Paris. Malgré la détermination des protestataires, la mobilisation manque d’ampleur.
Ils ont voulu tenter un "Occupy Wall Street" à la française. Quelque 300 manifestants se sont retrouvés vendredi 4 novembre, en fin de journée, sur l’esplanade de la Défense, à l’appel du mouvement "Occupons la Défense", afin de manifester leur indignation contre le fonctionnement actuel du système économique mondial. Bien que ni la pluie, ni le froid n’aient été au rendez-vous, ces "Indignés" français – parmi lesquels se trouvaient quelques Espagnols et Anglais – ont peiné à mobiliser leurs troupes, contrairement à leurs camarades espagnols, anglais ou encore américains. Dans un pays réputé pour sa culture de la contestation, le mouvement a été plutôt discret en dépit du symbolisme du lieu choisi.
"Nous sommes au cœur du système financier français… Alors, c’est vrai, je m’attendais à plus de monde", reconnaît Julie, une jolie blonde d’une vingtaine d’années, un brin d’amertume dans la voix. "Pour faire bouger les choses, on devra être beaucoup plus nombreux". Les yeux rivés sur l’immense tour Areva dressée en face d’elle, Julie ne compte pas baisser les bras. Elle restera camper sur place comme l’incite la ligne officielle d’Occupons la Défense sur son site internet. À l'instar de Julie, une poignée de manifestants tient à relever le défi. Étienne, un étudiant de 28 ans, patiente sur les marches du parvis de l’Arche, en attendant de déplier sa tente. Le jeune homme a tout prévu : brosse à dents, journaux, nourriture. "Oui, je pense rester", affirme-t-il avec aplomb, "et non, ça ne sera pas facile…"
"Soulever quatre personnes, c’est plus compliqué que saisir une tente vide"
Car il le sait, la gendarmerie n’a pas l’intention de laisser les protestataires établir un campement dans le quartier des affaires du département des Hauts-de-Seine. "Fin du rassemblement à 21 heures [limite autorisée par la préfecture]", ont prévenu plusieurs gendarmes en début d’après-midi. Une dizaine de véhicules de police et de camions de CRS stationnent quelques mètres plus loin et veillent au grain. Mais ce dispositif de grande ampleur ne semble ni intimider les manifestants, ni entacher la détermination des plus motivés. "On n’est pas dupes, on sait que rester, c’est se faire arrêter", reconnaît l’un d’entre eux, keffieh autour du cou et pancarte à la main. "Mais parfois, pour la bonne cause, il faut savoir prendre des risques."
À 18h30, la menace policière est mise à exécution sous les flashs de plusieurs photographes. Quelques tentes sont démontées dans la foulée, sous les huées et en dépit de la résistance des protestataires. "Ne cédez pas, ils ne feront rien devant les caméras", hurlent plusieurs d’entre eux. Tous les quarts d’heure, l’action policière se répète. Quelques gendarmes fendent la foule et délogent les manifestants qui, pour leur résister, se sont engouffrés à plusieurs dans les tentes. "Soulever quatre personnes c’est plus compliqué que saisir une tente vide", explique, pragmatique, un jeune homme accroché à son abri tandis que les forces de l’ordre le somment de ne pas résister.
"Nous disons que tout cela suffit "
Pendant que certains irréductibles bataillent avec les gendarmes, d’autres, en retrait sur les marches de la Défense, préfèrent batailler sur le terrain des idées. À l’aide d’un mégaphone, badauds, protestataires ou sympathisants du mouvement prennent tour à tour la parole pour dénoncer les "dérives" d’un système capitaliste devenu "incontrôlable". Quand les uns s’en prennent aux banques "renflouées sur fonds publics", les autres s’indignent des "pratiques des bonus et des stock-options". D’autres encore condamnent les politiques d’austérité et l’hégémonie de la finance. "Partout dans le monde, nous disons que cela suffit", s’égosille un manifestant en hurlant dans un mégaphone "Il faut replacer l’humain au centre du système !"
À 21h, le campement de fortune a perdu la moitié de ses tentes. Malgré une mobilisation encore faible, la majorité des participants refuse de parler "d’échec". "La France ne ressemble pas à l’Espagne, où le taux de chômage est particulièrement élevé, elle ne ressemble pas non plus à la Grèce. C’est parce que la France n’est pas à bout de souffle que notre mouvement peine à décoller", explique Gaby, un jeune homme de 22 ans, qui rêve de devenir paysan. "Mais bientôt, je l’espère, le mouvement grossira… " Un pari sur l’avenir auquel veut également croire Julie : "Un jour, ils se réveilleront, ils se réveilleront tous et ils comprendront que nous sommes les 99 % et que nous refusons le 1 % qui décide de notre avenir et de l’avenir du monde à nos dépens !'
Dans la nuit de vendredi à samedi, deux manifestants ont été légèrement blessés. Malgré cela, environ 250 indignés étaient encore rassemblés samedi soir sur le parvis de la Défense avec l'intention d'y passer la nuit, comme la veille.