Le technocrate Abdel Rahim al-Kib a été élu lundi Premier ministre par intérim de la Libye par le Conseil national de transition. Le nouveau chef de l’exécutif va devoir faire face à d'importants enjeux tant au niveau national qu’international.
L’universitaire et homme d’affaires Abdel Rahim al-Kib a été élu lundi Premier ministre par intérim de la Libye dès le premier tour par le CNT. Plutôt méconnu à Tripoli mais doté d’une large expérience professionnelle à l’étranger, le chef du futur gouvernement libyen va devoir diriger la transition tant attendue de son pays vers une démocratie constitutionnelle.
Immédiatement après avoir obtenu 26 des 51 voix du Conseil, le nouveau Premier ministre a voulu apaiser les inquiétudes de l’Occident sur le respect des droits de l’homme et de la démocratie à l’ère post-Kadhafi. "Nous nous engageons à bâtir une nation qui n'accepte pas les violations des droits de l'homme. Mais nous avons besoin de temps", a expliqué Abdel Rahim al-Kib au cours d’une conférence de presse lundi à Tripoli. "Ce que vous voyez au sein du CNT, c'est la démocratie à l'œuvre. Cela est tout nouveau pour nous en Libye."
Adel Rahim al-Kib s’est aussi exprimé sur des questions qui touchent plus immédiatement les Libyens, essayant de rassurer les hommes qui ont pris les armes contre Kadhafi sur leur avenir qui demeure encore incertain. "Je leur dis [aux combattants] que le CNT ne les a pas oubliés et ne les oubliera pas, tout comme le futur gouvernement."
Matthieu Mabin, envoyé spécial de FRANCE 24 en Libye, observe que la victoire de Abdel Rahim al-Kib a été bien accueillie dans le pays, notamment parce qu’il n’est associé à aucun groupe politique au sein de la population libyenne. "Ici, il est vu comme le Premier ministre du consensus, un homme de Tripoli qui incarne l’unité libyenne", explique notre journaliste.
Ali Tarhouni, chargé du Pétrole et des Finances au sein de l’exécutif provisoire, était considéré comme le favori pour le poste de Premier ministre, mais n’a pourtant obtenu que trois voix lors du scrutin de lundi. Les observateurs estiment que l’élection inattendue de Kib met en lumière la nature imprévisible de la vie politique naissante d’un état aux abondantes ressources pétrolières.
Le nouveau Premier ministre par intérim, âgé de 61 ans, est chargé de constituer, dans les deux semaines à venir, un gouvernement de transition qui aura pour tâche d’organiser l’élection des 200 membres de la nouvelle Assemblée constituante dans un délai de huit mois.
De l’ombre au pouvoir
Diplômé en ingénierie électrique par l’Université de Caroline du Nord, Abdel Rahim al-Kib a enseigné dans plusieurs universités aux États-Unis, en Libye et aux Émirats arabes unis. Mardi, il était toujours listé comme enseignant de l'Institut du pétrole d’Abou Dhabi. En 2005, il aurait fondé la Compagnie internationale pour l’Énergie et la Technologie en Libye, selon l’AFP.
"C’est un homme d’affaires bien plus qu’un universitaire même si c’est ce qu’il fait apparaître sur sa carte de visite", explique Matthieu Mabin. "Il possède également un réseau important à l’extérieur de la Libye et notamment en Europe ce qui sera un atout pour lui puisqu’il devra dialoguer avec les membres de la communauté internationale."
Le journaliste libyen Saleh Sarrar estime, pour sa part, que le nouveau Premier ministre est connu quasi exclusivement dans les cercles académiques mais qu’il a apporté son soutien moral et a contribué financièrement à l’insurrection contre Mouammar Kadhafi depuis l’étranger. "Seules quelques personnes ont mis en doute ses capacités d’homme politique. Les gens attendent de voir ce qu’il va faire", explique le journaliste.
Selon Khattar Abou Diab, professeur de sciences politiques à l’Univeristé Paris-Sud, la réconciliation nationale va être la principale priorité du Premier ministre. "Il y a encore beaucoup de gens qui souffrent en raison de leur ancienne proximité avec Kadhafi et son régime", explique le professeur.
Ce n’est qu’après avoir résolu la question du devenir des hommes qui ont combattu dans les deux camps pendant la guerre civile libyenne, estime Khattar Abou Diab, qu’il pourra orienter son attention vers des questions plus importantes aux yeux de la communauté internationale, telles que former un gouvernement compétent et garantir la transparence de la transition vers la démocratie.
La fin de la mission de l’Otan, un nouveau départ pour la Libye
L’accession d’Abdel Rahim al-Kib au poste de Premier ministre coïncide avec la fin des opérations de l’Otan en Libye, sept mois après les premiers bombardements de l'Alliance contre les positions des forces du colonel Kadhafi.
Paris a salué mardi l’élection d’Abdel Rahim al-Kib et rappelé qu’il aurait la responsabilité de bâtir les fondations d’un État respectueux des droits de l’homme. "J’exprime la confiance de la France et son soutien déterminé au peuple libyen dans sa marche vers la démocratie", a déclaré le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, dans un communiqué.
Alors que la Libye prend un nouveau départ, Kib risque de se heurter à plusieurs défis. L'ancien professeur devra mener une bataille difficile visant d’une part à réunir les chefs tribaux, de l’autre à répondre aux attentes de ses alliés internationaux.