Alors que les circonstances confuses de la mort de Mouammar Kadhafi font polémique, le vice-président du CNT assure que "le responsable de cela [le meurtre de Kadhafi], quel qu'il soit, sera jugé et bénéficiera d'un procès équitable".
Crime de guerre ? Exécution sommaire ? Bavure ? Conspiration occidentale ? Capturé vivant le 20 octobre par des combattants près de son fief de Syrte, Mouammar Kadhafi est décédé peu après dans des circonstances qui demeurent confuses comme l’attestent plusieurs vidéos. Face au tollé international, le Conseil national de transition (CNT) s’est finalement déclaré déterminé à poursuivre en justice les meurtriers de l’ancien guide libyen. Moustapha Abdeljalil, le président du CNT, a annoncé la création d'une commission d'enquête afin de "répondre aux requêtes internationales". "Le responsable de cela [le meurtre de Kadhafi], quel qu'il soit, sera jugé et bénéficiera d'un procès équitable", a précisé le vice-président du CNT, Abdel Hafiz Ghoga.
Les versions sur la mort de Mouammar Khadafi divergent. Selon Mahmoud Jibril, le numéro 2 du CNT, l'ancien leader libyen, pris entre deux feux, a été tué d’une balle dans la tête ; d’autres membres de l'instance affirment, eux, que l’ancien chef d’Etat est mort d’une hémorragie lors de son transport vers l’hôpital ; d’autres, comme la famille du défunt, soutiennent qu’il a été tué de sang-froid après avoir été arrêté et torturé.
Mettre fin à l’impunité et à l’abus de pouvoir
De toutes parts, le CNT a été sommé de diligenter une enquête. Le Haut commissariat de l’ONU aux droits de l'Homme a demandé, le 21 octobre, l’ouverture d’une enquête sur les circonstances de l’ex-Guide libyen : "A propos de la mort de Kadhafi, les circonstances ne sont pas claires. Nous estimons qu’une enquête est nécessaire" avait déclaré à la presse Rupert Colville, le porte-parole du Haut commissariat, estimant que les deux vidéos publiées "une de lui vivant, une de lui mort […] étaient très inquiétantes."
Amnesty international a également exhorté le CNT à veiller à ce qu’une "enquête approfondie, indépendante et impartiale" soit menée, précisant que si Kadhafi a été délibérément tué en captivité cela constitue un crime de guerre. "Il est possible qu’une enquête visant à établir si sa mort résulte d’un crime de guerre ou non soit impopulaire, a déclaré
dans un communiqué Claudio Cordone, membre de la direction générale d’Amnesty. Le Conseil national de transition doit appliquer les mêmes normes à tous et garantir l’accès à la justice, y compris à ceux qui l’ont catégoriquement refusé à d’autres".
Les exécutions sommaires d’opposants étaient en effet monnaie courante sur le territoire libyen sous le régime de Mouammar Kadhafi. Cette pratique était connue sous le nom de "liquidation de chiens errants" et était cautionnée par les plus hautes sphères de l’Etat. Amnesty international demande aux nouvelles autorités libyennes de rompre avec des années d’abus de pouvoir et d’impunité. "La nouvelle Libye doit se construire sur le respect des droits humains et de la justice, et non pas sur la vengeance pour des actes répréhensibles du passé", a ajouté Claudio Cordone.
La théorie conspirationniste
L'avocat de la famille de Mouammar Kadhafi, maître Marcel Ceccaldi, a de son côté indiqué mercredi 26 octobre que la famille du défunt envisageait de porter plainte contre l'Otan pour "crime de guerre" auprès de la Cour pénale internationale. L'avocat estime que le corps de Kadhafi a été "profané" post-mortem par une "horde barbare". "Après les bombardements de l’Otan, Kadhafi était blessé mais il était vivant. Des choses abominables se sont passées sur sa personne alors qu’il était déjà mort", estime dans un entretien à France 24 Marcel Ceccaldi.
Maître Marcel Ceccaldi accuse sans détour les puissances occidentales d’avoir commandité "l’assassinat" de Mouammar Kadhafi. Selon lui, sa mort, plutôt que sa capture, épargne un procès qui aurait pu révéler les négociations et tractations - pétrolières notamment - menées par des Etats occidentaux avec la Libye de Kadhafi.
"La procédure va permettre de mettre au clair l’ensemble des relations entre le régime de Kadhafi et un certain nombre de pays qui, pour envoyer aux oubliettes de l’Histoire les compromissions de certains de leur dirigeants, ont décidé de l’assassiner [Moummar Kadhafi]", assène vigoureusement Marcel Ceccaldi. "Si Kadhafi avait été arrêté, poursuivi et jugé, il se serait expliqué sur la nature de ses relations avec les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni", poursuit-il.
Mouammar Kadhafi est le premier dirigeant à avoir été tué depuis le début des printemps arabes qui ont conduit au départ des anciens dirigeants tunisien et égyptien, Zine el-Abdine Ben Ali et Hosni Moubarak.