Par la voix de son avocate, le géant américain a contesté devant le tribunal de grande instance de Paris toute connotation antisémite de l'application "Juif ou pas Juif". La Ligue internationale contre le racisme (Licra) avait porté plainte.
AFP - L'avocate d'Apple a récusé jeudi devant le tribunal de grande instance de Paris toute connotation antisémite à l'application "Juif ou pas Juif", commercialisée par la marque à la pomme, application que la Licra affirme pourtant être totalement illégale.
La juge des référés, Magali Bouvier, se prononcera le 17 novembre.
"Cette affaire a créé une émotion très importante", a rappelé jeudi l'avocat de la Ligue internationale contre le racisme (Licra), Me David-Olivier Kaminski.
Cette application est "une bombe sociétale (...) avec des relents nauséabonds qui font référence à notre propre histoire", a-t-il plaidé, avant de déplorer que l'on soit "dans une société de plus en plus permissive où il y a de moins en moins de curseur, de moins en moins de retenue".
Selon lui, aujourd'hui, l'impact de cette application est telle que "les gamins dans les cours de promenade menacent leurs petits copains en leur disant: +Toi, t'es juif, on va te mettre sur le listing!+"
Mais, lui a rétorqué l'avocate d'Apple, Me Catherine Muyl, "où est l'antisémitisme dans ce dossier? Nous ne sommes pas ici dans un dossier de discrimination."
D'ailleurs, a-t-elle abondé, "quand Johann Levy a conçu son application, il a craint qu'elle ne soit perçue comme trop +pro-juif+!"
La Licra a assigné la firme à la pomme afin qu'il soit dit que l'application "constitue un fichier à raison de l'origine ethnique", qui représente "un trouble manifestement illicite" et qu'il soit ordonné à Apple de désinstaller l'application litigieuse chez les clients qui l'ont déjà téléchargée.
3 500 personnalités
Le 14 septembre, le groupe avait annoncé le retrait de la vente en France de cette application qui faisait scandale. Le 18 octobre, Apple a étendu ce retrait à toute l'Europe. Mais, constatant que l'application demeurait accessible pour les utilisateurs qui l'avaient déjà téléchargée, la Licra a assigné Apple en référé.
Vendue 79 centimes, puis 1,59 euros, l'application litigieuse offrait une liste de 3.500 personnalités d'origine ou de religion juive, et avait suscité l'indignation d'associations antiracistes et des jeunes du Parti socialiste.
"Listées pour vous, des milliers de personnalités juives (de par leur mère), à +moitié juives+ (de par leur père), ou converties", promettait Johann Levy, l'ingénieur à l'origine de cette application, dans son descriptif sur le site Apple Store.
Aujourd'hui, a plaidé Me Muyl, "il y a plus de 500.000 applications qui peuvent être téléchargées à partir de la plateforme luxembourgeoise iTunes", or "c'est la première fois qu'un plaideur demande à ce qu'on aille retirer les applications qui ont été téléchargées".
"C'est une demande surprenante car ce sont des applications développées par des tiers", a-t-elle poursuivi, des tiers qui se sont engagés "à vérifier leur conformité au droit".
"A l'heure actuelle, ce n'est pas techniquement réalisable", a renchéri sa consoeur, Me Coline Warin, mais surtout, "c'est juridiquement impossible": retirer l'application à ceux qui l'ont acquise "reviendrait à une expropriation, (...), à une "violation du droit de propriété".
Ainsi, a-t-elle illustré, en 1996, la justice a interdit la vente du livre du Dr Gubler, le médecin de François Mitterrand, mais on n'a pas obligé ceux qui avaient déjà acheté l'ouvrage à le ramener en librairie.
Par ailleurs, la juge Bouvier a fixé au 24 novembre l'examen d'une seconde assignation déposée contre Apple par l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), J'accuse, SOS Racisme et le Mrap. Ces derniers réclament l'interdiction de l'application au niveau mondial.