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Le parti Ennahda propose son numéro deux pour diriger le futur gouvernement

Arrivée en tête de l'élection de dimanche en Tunisie selon des résultats partiels, la formation islamiste entend présenter la candidature d'un de ses cofondateurs, Hamadi Jbeli (photo), au poste de Premier ministre.

ENQUêTES SUR LE "HOLD UP ÉLECTORAL" DE L'HOMME D'AFFAIRES HAAMDI (PDM)

AFP - La commission électorale indépendante (Isie) et des partis politiques enquêtent sur le "hold up électoral" du richissime homme d'affaires tunisien Hechmi Haamdi, dont la liste a fait une percée inattendue, a déclaré mercredi à l'AFP un responsable de la coalition de gauche PDM.

"Le Pôle démocratique progressiste (PDM, coalition) et l'ensemble des forces élues à l'assemblée constituante enquêtent sur ce hold-up électoral", a déclaré Ryadh Ben Fadhel, coordinateur de cette coalition de gauche.

Les listes Al Aridha Chaabia (Pétition populaire pour la liberté, la justice et le développement) de Hechmi Haamdi, totalement absentes sur le terrain pendant la campagne, sont au coude à coude avec le CPR (Congrès pour la république) de Moncef Marzouki, derrière les islamistes d'Ennahda, selon des résultats encore partiels.

La "Pétition populaire" arrive notamment en tête à Sidi Bouzid, la ville du centre du pays où a commencé la révolution. La personnalité de M. Haamdi et ses moyens financiers ont suscité les soupçons, plusieurs dirigeants politiques suspectant le RCD (ex-parti de Ben Ali) d'être à la manoeuvre.

"Les archives de l'agence tunisienne de communication extérieure (ancien organe de propagande du régime de Ben Ali, nldr) ont déjà révélé que cet homme avait reçu 150.000 dollars en contrepartie de services rendus au régime", a affirmé M. Ben Fadhel.

"L'Isie est en train de passer au peigne fin sa trésorerie", a indiqué une source proche de cette commission.

REUTERS - Le parti islamiste Ennahda, devenu la première force politique tunisienne, a choisi mercredi son secrétaire général Hamadi Jbeli comme candidat au poste de Premier ministre du nouveau gouvernement que doit former l'Assemblée constituante.

"Le secrétaire général du parti qui remporte la majorité aux élections, dans toutes les démocraties du monde, occupe le poste de chef de gouvernement", relève Hamadi Jbeli dans une interview accordée à l'agence tunisienne de presse TAP.

L'Instance supérieur indépendante pour les élections (ISIE) s'emploie toujours à dépouiller et vérifier les suffrages exprimés aux élections constituantes de dimanche, premier scrutin démocratique organisé depuis le début du "printemps arabe".

Mais Ennahda, sur la base de ses propres chiffres, dit avoir obtenu plus de 40% des 217 sièges de l'Assemblée constituante qui rédigera la future Constitution du pays et nommera donc un nouveau gouvernement de transition avant des élections prévues
fin 2012 ou début 2013.

Les résultats partiels déjà diffusés par les autorités attestent de l'avance prise par le parti qui se réclame d'un islam modéré: à ce stade, Ennahda est assuré de 53 sièges. Son
premier concurrent, le Congrès pour la république de Moncef Marzouki, n'en obtient que 18.

Les élections de dimanche, dix mois après l'immolation par le feu d'un marchand de légumes qui devait déclencher un vaste soulèvement populaire, trouveront un écho dans d'autres pays - l'Egypte et la Libye au premier chef - aujourd'hui aux prises avec des transitions difficiles entre répression et démocratie.

Ennahda, qui s'applique à rassurer les tenants de la laïcité et le monde des affaires, inquiets à la perspective d'une accession des islamistes au pouvoir, n'exclut pas que le poste de chef de l'Etat soit proposé à l'actuel chef du gouvernement de transition, Béji Caïd Essebsi.

Ennahda ne touchera pas au tourisme

Rachid Ghannouchi, chef de file du parti islamiste, a rencontré mercredi des responsables de la Bourse de Tunis afin de leur assurer que le gouvernement issu de la révolte du "printemps arabe" serait favorable aux milieux d'affaires.

"Le secteur du tourisme fait partie des réalisations auxquelles nous ne toucherons pas", a déclaré de son côté Hamadi Jbeli.

"Serait-il logique d'handicaper un secteur stratégique comme le tourisme en interdisant l'alcool ou le port de maillots de bain ? Il s'agit de libertés individuelles aussi bien pour les
Tunisiens que pour les étrangers", a ajouté le secrétaire général d'Ennahda.

Les nouveaux dirigeants tunisiens n'ignorent pas qu'ils devront traiter d'urgence des problèmes de pauvreté et de chômage que la "révolution du jasmin" n'a pu qu'aggraver.

La victoire d'Ennahda est un tournant spectaculaire pour un mouvement qui avait pour seul choix la clandestinité sous le régime de Zine ben Ali (1987-2011) et dont plusieurs centaines de partisans croupissaient en prison, dont Hamadi Jbeli, qui a passé une dizaine d'années derrière les barreaux.

Harcelé par la police du pays, Rachid Ghannouchi s'est exilé lui en Grande-Bretagne pendant 22 ans.

Aucun mouvement islamiste n'a conquis le droit de gouverner dans la région depuis la victoire électorale du Hamas en 2006 dans les territoires palestiniens.