Après avoir parcouru 600 kilomètres en 65 jours, 2 000 Indiens amazoniens sont arrivés ce mercredi à La Paz. L'objectif de cette marche : protester contre un projet de route qui doit traverser une réserve écologique d'un million d'hectares.
AFP - La capitale bolivienne La Paz a accueilli triomphalement mercredi quelque 2.000 indiens amazoniens qui viennent de parcourir 600 kilomètres à pied en deux mois pour protester contre un projet de route dont le tracé traverse un parc naturel.
Les marcheurs, attendus dans l'après-midi sur la place Murillo, où est situé le palais Quemado, siège de l'exécutif, sont arrivés à la mi-journée dans le quartier populaire de Villa Fatima, accompagnés de nombreux membres d'associations de quartier, de travailleurs et d'étudiants, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Au son des pétards et des chants patriotiques, des dizaines de milliers de personnes se massaient dans les rues escarpées de la capitale pavoisées de drapeaux tricolores boliviens et de banderoles blanches ornées du "patuju", une fleur amazonienne qui figure parmi les symboles nationaux du pays andin.
Devant l'engouement soulevé par cette marche auprès de la population et des médias, le président socialiste Evo Morales a appelé les leaders de la marche "à dialoguer directement (...) après leur arrivée dans la ville de La Paz", a annoncé le ministre de la Présidence, Carlos Romero, cité mardi soir par l'agence nationale ABI.
Selon le ministre, "ce dialogue aura pour finalité" la recherche d'un "consensus". La rencontre pourrait avoir lieu mercredi ou jeudi, ont indiqué par ailleurs des sources gouvernementales.
Le 25 septembre, les marcheurs avaient été victimes d'une tentative de dispersion musclée par la police ayant fait 74 blessés selon un bilan officiel établi par le ministère de l'Intérieur.
Cet incident avait provoqué une vague d'indignation, une grève générale, et plusieurs démissions au sommet de l'Etat, dont celles de deux ministres.
Partis le 15 août de Trinidad, dans le nord-est du pays, les marcheurs indiens - moxenos, tacanas et sirionos principalement - exigent l'annulation pure et simple d'un projet contesté de route de 300 kilomètres reliant deux provinces enclavées et qui doit couper sur 177 kilomètres le parc naturel amazonien du Tipnis.
Le chantier de la route, dont la mise en service est prévue pour 2014, a commencé en juin, mais les travaux du tronçon II affectant le Tipnis attendent le feu vert du gouvernement.
Le projet de route, co-financé par le Brésil et dont la construction est confiée à la firme brésilienne OAS, est présenté par le gouvernement comme un enjeu économique vital pour la Bolivie, un des pays les moins développés d'Amérique du Sud.
Mais les indiens amazoniens craignent, au delà des dégradations provoquées par les travaux, l'arrivée de planteurs de coca et d'entreprises d'exploitation d'hydrocarbures, qui selon eux convoitent certains terrains du Tipnis, parc naturel d'un million d'hectares et territoire ancestral de 50.000 indiens.
"Derrière ce projet de route, il y a un objectif de pillage", assurait mardi à l'AFP Fernando Vargas, un des leaders de la marche.
Ils ont adressé au gouvernement une liste de doléances en 16 points demandant la préservation de leur habitat et de leurs droits à vivre dans un milieu naturel préservé.
Face à la pression des marcheurs et de l'opinion, le président socialiste avait suspendu le projet début octobre et promis une consultation dans les provinces concernées, mais il avait aussi suggéré que son résultat n'aurait pas valeur contraignante.
Evo Morales, premier président amérindien (aymara) élu en 2005 et réélu en 2009, traverse une phase délicate en se voyant contesté par une partie de sa base indienne et de son électorat d'origine modeste.
Dimanche, les électeurs ont majoritairement suivi les consignes de l'opposition lors de l'élection inédite de leurs juges au suffrage universel, avec une majorité de bulletins blancs ou nuls, infligeant un vote-sanction au gouvernement.