Arnaud Montebourg a fait mentir les sondages en se classant à la troisième place de la primaire socialiste avec 17 % des voix. Un résultat qui le place comme l’arbitre incontournable du deuxième tour. Décryptage.
"Ce soir, chacun doit savoir que ma détermination à poursuivre le combat pour les idées et les rêves que je porte, pour les solutions nouvelles que je veux mettre au pouvoir, est totale". Arnaud Montebourg qui a créé la surprise en s'imposant dimanche comme le "troisième homme" de la primaire du Parti socialiste, est plus déterminé que jamais.
Fort de 17 % des voix, derrière les favoris François Hollande et Martine Aubry, et surtout loin devant l'ancienne candidate socialiste de 2007, Ségolène Royal, le bouillant avocat bourguignon de 48 ans se place comme l’arbitre incontournable du deuxième tour. "Tous les regards sont désormais tournés vers Arnaud Montebourg qui a pris une nouvelle dimension grâce à cette primaire dont il jouera le rôle de faiseur de roi", analyse Roselyne Febvre, spécialiste de politique française à FRANCE 24.
Triple vainqueur
Un avis partagé à la quasi-unanimité par les observateurs et la presse nationale ce matin. "Il fallait voir son arrivée de rock star cravatée au siège du parti, sa mine triomphante, son discours de vainqueur, pour comprendre, si besoin était, qu’il serait l’homme de gauche le plus courtisé des jours à venir", écrit ce lundi, l’éditorialiste Yves Harté dans le quotidien régional Sud Ouest.
Et pour cause, Arnaud Montebourg a obtenu une triple victoire. À commencer par son score, jamais envisagé par les sondeurs qui lui prédisaient plutôt un résultat à un chiffre. Une fatalité qui n’était pas du goût du député de Saône-et-Loire qui se voyait a contrario défier François Hollande au deuxième tour. "Il n’a pas totalement gagné son pari, mais il est désormais incontournable au PS", note Roselyne Febvre. D'autre part, le succès populaire des primaires, qui a attiré près de 2,5 millions d'électeurs, est synonyme de victoire pour le candidat, tant il en fût l’un des plus ardents promoteurs et concepteurs. Enfin, l’ancien porte-parole de la campagne présidentielle de Ségolène Royal en 2007 a terrassé Manuel Valls, qui n’a obtenu que 5,7 % des voix, son concurrent direct dans la lutte des quadragénaires socialistes en vue de la présidentielle de 2017.
Trancher entre les "deux candidats officiels"
De quoi être courtisé donc, même si l’influence des consignes de vote, de même que l’évolution de la participation, constitueront les deux principales inconnues du second tour de la primaire, organisé le 16 octobre. Reste à savoir si Arnaud Montebourg va trancher entre "les deux candidats officiels", les "jumeaux", comme il s’était amusé à les décrire tout au long de la campagne.
Celui qui a su séduire en se présentant comme le chantre de la démondialisation, de la lutte contre la corruption et du capitalisme coopératif a promis de se prononcer ce lundi soir, après avoir consulté son état-major. "Difficile de prédire ce qu’il va faire. Va-t-il s’abstenir de choisir entre Hollande et Aubry ou prendre le risque de décevoir une partie de son électorat en appelant à voter pour l’un des deux candidats", s’interroge Roselyne Febvre.
Et de poursuivre : "Arnaud Montebourg a bâti son succès en optant pour une ligne très à gauche et hors appareil, ce qui prouve qu’il existe une forte attente idéologique et politique de son électorat". Entre François Hollande qui incarne l’aile centriste du parti et Martine Aubry qui symbolise l’appareil du PS, le député bourguignon est donc face à un choix cornélien. "Toutefois, on peut procéder par élimination, poursuit Roselyne Febvre, car il faut savoir qu’il sera plus difficile pour Montebourg d’apporter son soutien à Hollande, tant les deux hommes ne s’apprécient guère, mais surtout au-delà des relations personnelles, leurs électeurs respectifs ne sont pas du tout sur la même ligne politique".
Un risque que les soutiens du député corrézien entendent diffuser. "Arnaud Montebourg, ce qu'il attend, ce n'est pas qu'on le singe, qu'on l'imite, c'est qu'on l'entende. Et entendre quelqu'un et le respecter, ce n'est pas la même chose que le récupérer", a dit ce matin Pierre Moscovici, député et coordonnateur de campagne de François Hollande, sur Radio Classique-Public Sénat.
Hier, "le troisième homme" a donné une indication synonyme d’exigence : il entend obtenir une reconnaissance de ses idées. Car selon lui, son score "a installé au cœur de la primaire et de l'élection présidentielle de l'année prochaine la démondialisation, la VIe République, le capitalisme coopératif, la lutte contre la corruption et bien d'autres propositions nouvelles que j'ai défendues pour la France". Mais il a surtout décoché une mise en garde à peine voilée à l’adresse des deux finalistes. "Tous ceux qui occupent depuis 20 ans les mêmes postes, qui défendent les mêmes positions vont devoir maintenant vous écouter", a-t-il lancé à ses partisans hier soir. À bon entendeur...