Mayotte connaît depuis dix jours un mouvement d’ampleur de lutte contre la vie chère. Alors que des policiers sont arrivés en renfort ce vendredi, aucune solution n’a pour l’instant été trouvée. Pourquoi la vie est-elle si chère sur l'île ?
Mayotte, 101e département français depuis le 31 mars dernier, connaît un mouvement social de grande ampleur depuis le 27 septembre. Les Mahorais protestent contre la vie chère par des manifestations et des barrages routiers, bloquant notamment l’accès à l’aéroport de Mamoudzou, chef-lieu du département.
Symbole de l’indignation, le prix des ailes de poulet - les "mabawas". Avec le riz, la farine, le sucre ou encore le gaz, elles font partie des produits de consommation courante. À Mamoudzou, les 10 kg de volaille coûtent par exemple 24,21 euros - contre 15,90 à la Réunion. Quant à la bouteille de gaz, elle est jusqu’à trois fois plus chère que dans l’Hexagone.
"On importe tout et on ne produit rien, les prix sont donc élevés", résume Mustapha Abdou-Raouf, porte-parole du Collectif des associations et des amis des Comores (CAAC). Lui qui avait rencontré Élie Domota en Guadeloupe, peu après la révolte de février 2009, reprend la rhétorique du leader du LKP - Collectif contre l'exploitation outrancière, à l’origine de la révolte sur l'île des Antilles - et le concept de "profitation" pour décrire la situation : "L’économie mahoraise est aux mains de quelques groupes qui sont en charge de l’acheminement des marchandises, c’est un fonctionnement typique des colonies."
Un point de vue que nuance Abdoulatifou Aly, député de Mayotte et membre du bureau exécutif du MoDem : "Notre économie est une économie de comptoir, mais nous sommes en France." Si la révolte guadeloupéenne était menée par le LKP d’Élie Domota, le soulèvement des Mahorais vient de la rue et n’est donc pas (ou très peu) structuré. De plus, "le mouvement n’est pas social, mais plutôt économique ; c’est la baisse des prix que la rue exige, pas une augmentation des aides sociales ou des revenus", résume Abdoulatifou Aly.
La volaille deux fois plus chère qu’en métropole
Alliée à des associations de consommateurs, l’intersyndicale qui a appelé au mouvement se plaint d’un manque de concurrence qui tire les prix vers le haut. Avec la hausse du prix du carburant, des locations d’entrepôts, de magasins et de bureaux, des tarifs douaniers ou de ceux du fret (maritime et aérien), "l’évolution des produits de base est telle que les marges se situent maintenant entre 50 et 350 %", assure Abdoulatifou Aly.
La colère des Mahorais est d’autant plus vive qu’ils s’attendaient à une amélioration de leurs conditions de vie avec la départementalisation. Mais ce nouveau statut ne confère pas forcément l’égalité - ni une manne supplémentaire de crédits. Pour résoudre le problème, l’intersyndicale demande aux grandes surfaces ainsi qu’aux services de l’État et du département un engagement écrit sur une baisse immédiate des prix des produits de base.
Un revenu de solidarité active mis en place
Une première réponse concrète est venue de la ministre de l’Outre-Mer, Marie-Luce Penchard, qui a annoncé l’instauration, à partir de janvier 2012, d’un revenu de solidarité active qui ne représentera que 25% du RSA national et qui ne sera pas revu avant cinq ans. Mais certains analystes craignent que l’application de cet instrument enfonce un peu plus l’île dans l'assistanat. Pour sa part, le député de Mayotte se désole de rappeler que le Comité de suivi de la départementalisation ne s’est pas réuni depuis la dernière visite de la ministre, en mars 2011 - alors qu’il devait se réunir tous les trois mois.
Malgré les manifestations, aucun accord n’a pour l’heure été trouvé. Si aucune victime n’est à déplorer, la situation menace de s’embraser. L’État a d’ores et déjà fait venir des forces de l’ordre en renfort - depuis la Réunion voisine. Ce vendredi, une quarantaine de policiers a rejoint un escadron (90 hommes) de gendarmes acheminé depuis la semaine dernière. Mais le mouvement de protestation n’est pas près de s’éteindre selon Abdoulatifou Aly, pour qui il ne peut y avoir qu'une porte de sortie : une baisse des prix des produits de base.
(Photo : Mamoudzou, le 29 septembre 2011 / AFP)