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Sauvetage de Dexia : "Une 'bad bank' sert à rassurer les marchés"

Avec la création d'une "bad bank" prête à absorber plus de 80 milliards d'euros d'actifs toxiques, les États français et belge espèrent sauver la banque Dexia de la faillite. Mais le grand perdant de l'opération pourrait bien être le contribuable...

L’heure du démantèlement de Dexia semble avoir sonné. Mardi soir, le gouvernement belge a donné son accord à la création d’une “bad bank” ("banque poubelle") qui doit permettre à l'établissement franco-belge de se délester de tous les actifs toxiques (au moins 80 milliards d’euros) qui plombent son bilan.

Il s’agit de la première étape d’un vaste plan de restructuration piloté par la France et la Belgique, les deux actionnaires de référence de cette banque spécialisée dans l’aide financière aux collectivités territoriales. Outre la “bad bank”, Dexia devrait également voir la Caisse des dépôts et la Banque postale participer à son activité de financement des collectivités locales et serait obligée de céder ses opérations de gestion de portefeuilles financiers.

Malgré son précédent sauvetage à la fin de 2008, Dexia se serait donc évertuée à mener des opérations risquées en investissant massivement dans des dettes souveraines, telles que celle de la Grèce et de l’Espagne. Pascal de Lima, professeur d’économie à Sciences Po-Paris et économiste en chef chez Altran, une société de conseils en finance qui compte plusieurs banques hexagonales parmi ses clients, explique à France24.com ce qu’est exactement une “bad bank” et comment elle fonctionne.

France 24 - Quelles sont les spécificités d’une "bad bank" ?

Pascal de Lima - Son nom exact est “structure de défaisance”. Elle fonctionne comme une banque traditionnelle, avec ses locaux et ses employés, mais son unique mission est de gérer un portefeuille d’actifs toxiques.

Son but ultime est de trouver des acquéreurs pour tous ces actifs dont personne, à l’heure actuelle, ne semble vouloir. C’est une institution financière publique, comme une banque nationalisée. Dans le cas de Dexia, les États belge et français en seront, avec d'autres organismes publics, les actionnaires majoritaires.

Cette banque reçoit également de l’argent. Elle perçoit ainsi les intérêts annuels sur les crédits dont elle hérite. Dexia doit également lui verser une prime annuelle en contrepartie de la garantie de la France et la Belgique sur ces créances toxiques.

F24 - Quel est l’intérêt de mettre en place une telle structure ?

P. L. - L'avantage d’une telle "bad bank" est double pour Dexia. D’abord, elle permet d’assainir ses comptes, ce qui devrait avoir pour effet de calmer les marchés financiers.

Elle sert ensuite à gagner du temps. Contrairement à Dexia, qui est sous la pression des marchés, elle peut attendre de voir comment évolue la situation et ainsi vendre ses actifs toxiques à de meilleures conditions.

F24 - D'autres États ont-ils eu déjà recours à ce genre de dispositif ?

P. L. - En 2008 et en 2009, l’administration Obama avait envisagé de mettre en place une telle “bad bank” pour y loger une partie des "subprimes" mais l’idée n’a jamais été appliquée.

Avant la crise actuelle, certains gouvernements ont déjà eu recours à des “bad banks”. Les États-Unis ont utilisé ce mécanisme en 1989 pour sauver les caisses d’épargne qui traversaient alors une grave crise, et la France s’en est également servie en 1993. À l’époque, l’État français avait mis en place un “consortium de réalisation” (autre nom pour ces banques poubelles) afin d’assainir les comptes du GAN [Groupe des assurances nationales, racheté en 1998 par Groupama], du Crédit lyonnais et du Crédit foncier.

F24 - Le contribuable va-t-il devoir payer l’addition ?

P. L. - S’il y a une moins-value, ce sont les actionnaires et donc les États français et belge qui paieront une partie de l’addition.

F24 - Cette opération permettra-t-elle à la "bad bank" de dégager de l'argent ?

P. L. - Je ne pense pas. Il s’agit plutôt de minorer les pertes. À mon avis, d’ici trois à quatre ans, on va faire le bilan des opérations et évaluer les dégâts.

Dans le cas du sauvetage des caisses d’épargne américaines, l’addition pour le contribuable avait été de 150 milliards de dollars et, en France, l’épisode de "consortium de réalisation" en 1993 avait fait perdre 16 milliards d’euros à l’État.