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Marie Dedieu, la sexagénaire française kidnappée au Kenya samedi, était installée dans l’archipel de Lamu depuis 15 ans. Anti-conformiste et combative, elle s’était illustrée en France dans les années 70 par son engagement féministe.

Son visage solaire et son sourire rayonnant sont désormais en une de tous les journaux français. Marie Dedieu, tétraplégique et malade, a été enlevée samedi dernier au Kenya dans l'archipel de Lamu où elle résidait. Cette sexagénaire, qui s'est distinguée en France dans les années 70 pour son combat féministe, se trouverait désormais en Somalie aux mains des Shebab, rebelles islamistes somaliens proches d’al-Qaïda.

Une femme engagée

Anti-conformiste et avant-gardiste, Marie Dedieu a très tôt milité au sein de mouvements féministes. Proche d’Antoinette Fouque, l’une des grandes personnalités du Mouvement libérateur des femmes (MLF) dans les années 70, elle a été l’une des signataires du manifeste des 343, une pétition parue en 1971 dans les colonnes du Nouvel Observateur appelant à légaliser l’avortement.

Selon Bibia Pavard, chercheur et auteur de "Les éditions des femmes : histoire des premières années 1972-1979", Marie Dedieu aurait également été directrice de publication du magazine féministe "le Torchon Brûle".

Parallélement à son combat féministe, elle s'essaye au cinéma en décrochant  un petit rôle dans le film "Domicile conjugal", réalisé par François Truffaut en 1970. Elle y incarne une prostituée battante et passionnée aux côtés d'un Jean-Pierre Léaud, sous le charme.  

Peu de temps après, Marie a un violent accident de voiture, elle en restera lourdement handicapée. Elle est hospitalisée plusieurs mois à Garches, en région parisienne. Les médecins sont alors formels, Marie ne retrouvera pas l'usage de ses jambes, ni de ses bras.

Le Kenya, une renaissance

Un pronostic que cette battante contredira dans les années 90. À cette époque, Marie Dedieu découvre le Kenya. Immédiatement, elle tombe amoureuse des paysages idylliques de l’archipel de Lamu et décide de s'installer dans le paisible îlot de Manda.

"Là, il s’est passé quelque chose de miraculeux : Marie s’est mise à remarcher, très difficilement certes, mais c’était incroyable, témoigne Michel, l’un de ses amis cité par Le Parisien. Il y avait quelque chose sur cette île qui lui faisait du bien".

Manda est son "petit coin de paradis", comme elle aime l’appeler. Elle y fait construire une maison traditionnelle swahilie, au toit de chaume, plantée au bord de l’eau. "Sur l’îlot, il y a une centaine d'habitants : des Swahilis, bien sûr, quelques Italiens, des Français qui possèdent une maison sur l'île et les touristes de passage, raconte à l’Express le cinéaste Élie Chouraqui, habitué des lieux et proche de Marie Dedieu. C'est une communauté minuscule, tout le monde se connaît".

La sexagénaire, parfaitement intégrée dans la vie locale, côtoie aussi bien les touristes européens que les locaux. "Marie est estimée de tous, poursuit le cinéaste. C'est une personnalité solaire, joyeuse, malgré ses problèmes de santé". La Française, en plus de son handicap, serait atteinte d’un cancer et contrainte de prendre des médicaments toutes les quatre heures.

Lorsqu’elle a été kidnappée, Marie Dedieu revenait tout juste de voyage. Une fois par an, elle retournait dans sa Lorraine natale rendre visite à son père. Les ravisseurs – dix, selon divers témoignages – sont venus la chercher par la mer, dans sa petite maison de Manda. Selon ses proches, ses agresseurs n’auraient emporté ni ses médicaments ni son fauteuil roulant. Son compagnon, John Lepapa Moyo, aurait été blessé au cours de l’agression.

L’archipel de Lamu est sous le choc. Ajar Ali, le maire adjoint de Lamu en témoigne au Parisien : "C'est une femme extraordinaire et nous sommes très très tristes de ce qui est arrivé, et tout particulièrement parce que c'est à elle que c'est arrivé".