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L'élimination de l'imam Al-Awlaqi fait débat aux États-Unis

Des défenseurs des droits de l'Homme aux États-Unis se sont insurgés contre l'assassinat de l'imam extrémiste Anwar al-Awlaqi au Yémen. L'homme, l'une des figures emblématiques d'Al-Qaïda, était un ressortissant américain.

AFP - L'élimination de l'imam extrémiste américano-yéménite Anwar al-Aulaqi soulève un débat aux Etats-Unis sur le droit que peut ou non s'arroger l'Etat fédéral d'assassiner des ressortissants américains au nom de la lutte contre le terrorisme.

Si la mort de l'imam lié à Al-Qaïda était saluée vendredi par la classe politique, des défenseurs des droits de l'homme contestaient une opération dont les circonstances exactes restaient inconnues, y compris le rôle joué par les Etats-Unis.

Le porte-parole de la Maison Blanche, Jay Carney, a été interrogé à ce sujet vendredi lors de son point de presse quotidien: "Pouvez-vous expliquer selon quelle autorité juridique le gouvernement américain a-t-il le droit de tuer un ressortissant américain à l'étranger?", lui a demandé un journaliste.

"Je ne vais sûrement pas répondre à une telle question qui serait liée d'une façon ou d'une autre aux événements d'aujourd'hui", a répondu M. Carney, en se retranchant derrière son refus de "parler des circonstances de la mort d'Aulaqi".

Un haut responsable gouvernemental américain refusant lui aussi de s'exprimer spécifiquement au sujet d'Aulaqi a de son côté évoqué "l'autodéfense".

"En général, il serait tout à fait légal pour les Etats-Unis de prendre pour cible des dirigeants haut placés de forces ennemies, quelle que soit leur nationalité, qui conspirent pour tuer des Américains", a indiqué ce responsable à l'AFP sous couvert de l'anonymat.

Cette légalité découle selon lui de "l'autorité donnée par le Congrès à l'usage de la force dans le conflit armé avec Al-Qaïda, les talibans et leurs associés, ainsi que des lois internationales reconnaissant notre droit à l'autodéfense".

Selon le Washington Post, qui cite un haut responsable des services secrets non identifié, l'élimination de l'imam a été approuvée par un document secret du département américain de la Justice, sans lequel la CIA n'aurait pas pu tué un citoyen américain.

L'avocat Glenn Greenwald souligne qu'aucun effort n'a été fait pour poursuivre Aulaqi en justice. "Son élimination a été purement et simplement décrétée par le président, qui a fait à la fois office de juge, de jury et de bourreau", dénonce-t-il sur le site Salon.com.

Pardiss Kebriaei, avocate auprès de l'association Center for Constitutional Rights, fait valoir qu'il serait illégal qu'Aulaqi ait été tué par les Etats-Unis ou avec leur participation.

"Si cela s'est fait en l'absence d'une menace imminente ou d'un danger de mort, c'est un meurtre illégal au regard de la constitution américaine et du droit international", déclare l'avocate à l'AFP, en réclamant "une enquête immédiate" et indépendante.

Le cas de l'imam, né en 1961 sur le sol américain, avait agité la sphère juridique dès avril 2010, lorsque un haut responsable de l'administration avait révélé qu'il était devenu une cible légitime de la CIA.

Des organisations de défense des droits de l'homme avaient alors saisi la justice, faisant valoir qu'il était contraire à la constitution d'ordonner la mort d'un citoyen américain sans procédure judiciaire en bonne et due forme.

En décembre dernier, le juge John Bates avait rejeté la plainte, expliquant qu'il ne pouvait légalement empêcher l'Etat fédéral de s'en prendre à Aulaqi, mais il avait souligné que l'affaire soulevait de graves questions constitutionnelles.

Si les adversaires républicains de Barack Obama saluaient l'élimination de l'imam cinq mois après celle d'Oussama Ben Laden, le candidat à l'investiture républicaine à la Maison Blanche, Ron Paul, a fait entendre une voix discordante.

Anwar al-Aulaqi "est né ici, c'est un citoyen américain. Il n'a jamais été jugé ni poursuivi pour crime. Personne ne sait s'il a jamais tué quiconque", a déclaré M. Paul sur la chaîne de télévision ABC.

Il serait "triste" selon lui que les Américains "acceptent" sans broncher ce "précédent": "que le président assassine des gens simplement parce qu'il les pense néfastes".