Rosny-sur-Seine est la première commune en France à avoir, lundi, porté plainte au pénal contre la banque Dexia pour un prêt accordé en 2000. L’avocat de la commune, Bernard Benaiem, accuse la banque d’"escroquerie en bande organisée et tromperie".
Les démêlés judiciaires de Dexia s’aggravent. Déjà visée par deux procédures au civil initiées cet été par la ville d’Angoulême et par le département de Seine-Saint-Denis, la banque franco-belge est désormais poursuivie au pénal. La commune de Rosny-sur-Seine, en région parisienne, a en effet, déposé une plainte pour “escroquerie en bande organisée et tromperie” contre l’établissement, lundi. Elle lui reproche de lui avoir dissimulé un taux d’intérêt dans un contrat de prêt d’un million d’euros souscrit en 2000, puis d’avoir renégocié cet emprunt par quatre fois, toujours en défaveur de la ville. En tout, Rosny-sur-Seine estime avoir payé 400 000 euros d’intérêts en trop à cause de ces frais cachés.
Cette procédure - une première en France - intervient alors que Dexia a été accusée par le quotidien Libération d’avoir octroyé plus de 5 000 prêts toxiques à des collectivités territoriales et que l’Assemblée nationale a voté, le 8 juin, la création d'une commission d'enquête parlementaire sur ces emprunts.
Contactée par FRANCE 24, la banque se dit “très étonnée par cette plainte découverte par voie de presse”. Elle assure par ailleurs que “le prêt souscrit par Rosny-sur-Seine est soumis à un taux fixe très bas”, qui n’aurait rien à voir avec les emprunts structurés à taux variables très en vogue au début des années 2000 – les fameux prêts toxiques – souscrits à l’époque par de nombreuses collectivités territoriales.
L’avocat de Rosny-sur-Seine, Bernard Benaïem, a accepté d’expliquer à FRANCE 24, ce qu’il reproche à Dexia.
FRANCE 24 : Pourquoi avez-vous déposé plainte au pénal contre Dexia ?
Bernard Benaiem : Rosny-sur-Seine veut d’abord que la justice pénale reconnaisse que la ville a été victime d’une escroquerie et qu’elle a été trompée par Dexia. Nous espérons obtenir, en outre, l’annulation du prêt et le remboursement des 400 000 euros d’intérêts en trop que la commune a dû payer.
F24 : N’auriez-vous pu avoir gain de cause devant un tribunal civil ?
B.B. : J’estime qu’à partir du moment où l’on décide de poursuivre quelqu’un, il faut que la plainte corresponde à la réalité du préjudice subi. Dans cette affaire, la réalité est que Dexia a trompé mon client. C’est de l’arnaque pure et simple qui relève donc du pénal.
En effet, dans le contrat de prêt initial souscrit entre Rosny-sur-Seine et Dexia en 2000, il existait un taux caché qui a fait exploser les intérêts à payer. Il était impossible, même pour un observateur averti, d’en déceler l’existence. Il a fallu l’intervention de plusieurs spécialistes de la question pour comprendre ce qu’il en retournait vraiment ! Ensuite, ce prêt a été renégocié quatre fois et, chaque fois, Dexia a fait en sorte qu’il soit défavorable à la ville. Pourtant, le métier de cette banque est de conseiller au mieux ses clients...
F24 : Le nom de Rosny-sur-Seine n’apparaît pas dans la liste des villes ayant souscrit à un prêt toxique révélée mercredi dernier par Libération. Dexia, en outre, affirme que le taux de l’emprunt que la ville a souscrit est fixe et très bas...
B.B. : Dexia est à côté de la plaque ! Il n’est pas seulement question ici d’une histoire de taux variables ou de prêts structurés, mais de tout un montage financier que nous dénonçons. Ainsi, par exemple, lorsque le prêt a été renégocié en 2002-2003 pour passer à un taux fixe, c’était exactement la période pendant laquelle mon client aurait été mieux loti en conservant un taux variable.
Quant à Libération, je ne sais pas pourquoi Rosny-sur-Seine n’est pas dans la liste des communes concernées.
F24 : N’est-ce pas un peu opportuniste de déposer plainte au moment où Dexia est au cœur de l’attention médiatique ?
B.B. : Rosny-sur-Seine avait déjà déposé une plainte simple en octobre 2010. Une enquête a été lancée par le procureur. Ses conclusions nous ont convaincus de nous constituer partie civile au pénal.
En outre, la commune négocie, sans succès, depuis plusieurs mois avec Dexia pour pouvoir sortir de ce prêt. Rosny-sur-Seine est même d’accord pour rembourser de manière anticipée l'intégralité du prêt mais Dexia n'accepte de mettre un terme au prêt qu'au prix d'importantes pénalités d'annulation de l'emprunt.