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Quelque 165 000 personnes (110 000 selon la police) ont défilé mardi en France pour dénoncer les suppressions de postes qui, selon les syndicats, mettent l'école "à genoux". Fait rare, les enseignants du privé ont rejoint ceux du public.

REUTERS - La quasi-totalité des syndicats d'enseignants du public et cinq syndicats du privé ont organisé des grèves et manifestations mardi en France pour dénoncer les suppressions de postes et dire que "l'école va mal".

Fait exceptionnel, les enseignants du privé ont défilé au coude à coude avec leurs collègues du public pour exiger "zéro retrait d'emploi pour la rentrée 2012". Mais la mobilisation est restée mitigée.

Selon le ministère de l'Education nationale, 28,89% d'enseignants du premier degré étaient en grève mardi et le taux était de 22,33% dans le second degré. Les syndicats affichent, eux, 54% de grévistes dans le primaire et environ 50% dans le secondaire.

Une centaine de manifestations ont eu lieu dans tout le pays avec parfois le renfort de parents d'élèves et de dirigeants de la gauche française.

Plus de 120.000 enseignants ont manifesté en province dans 72 départements et 45.000 à Paris, soit 165.000 au total, selon la FSU, syndicat majoritaire dans le public. Selon la police, les manifestants étaient 110.000 dans toute la France, dont 8.500 seulement à Paris.

"Face à un mouvement de fond comme celui-là, le pire serait de ne pas entendre, le pire serait de faire comme si cette journée n'existait pas", a déclaré Bernadette Groison, dirigeante de la FSU, lors du défilé parisien.

Mais le ministre de l'Education, Luc Chatel, a contesté l'ampleur des grèves et manifestations. "Ce mouvement n'a rien d'historique. Trois enseignants sur quatre aujourd'hui travaillent", a-t-il déclaré lors des questions d'actualité à l'Assemblée nationale.

"Toujours moins, faut que ça change"

Le gouvernement campe sur ses positions, estimant qu'on peut "relever le défi de la réussite de chacun" même avec moins d'enseignants, une politique imposée par la Révision générale des politiques publiques (RGPP).

Après 50.000 suppressions de postes entre 2007 et 2010, le gouvernement en a programmé 16.000 pour cette rentrée et 14.000 en 2012, soit 80.000 sur le quinquennat.

L'enseignement privé sous contrat est également affecté, avec plus de 1.500 suppressions de postes cette année et 1.350 en 2012. Depuis 2008, 5.000 postes ont été supprimés dans ce secteur alors que les effectifs d'élèves ne cessent d'y croître.

"Il faut avoir un vrai débat sur le projet éducatif et les moyens que l'on est prêt à y mettre", a dit Bernadette Groison, pour qui la participation du privé mardi est le signe "d'un
malaise profond".

Avec pour slogans "Sarkozy touche pas à nos enfants", "Ecole en danger" ou "Toujours moins, faut que ça change", les défilés ont été inégalement suivis en province.

En Bretagne, région à forte tradition catholique, les responsables de l'enseignement privé ont annoncé une mobilisation sans précédent avec plus de 30% de grévistes.

A Toulouse, près de 5.500 personnes selon les organisateurs, 3.200 selon la police, ont défilé dans le centre-ville. A Marseille, ils étaient 5.000 selon les organisateurs et 1.500 selon la police.

"Notre seuil de tolérance a été largement dépassé. Il y a urgence à faire marche arrière", a expliqué Hélène Rouch, responsable de la fédération des parents d'élèves (FCPE) de Haute-Garonne.

A Bordeaux, les manifestants étaient 2.800 selon la police, 5.000 selon les syndicats.

La police a dénombré 3.000 manifestants à Lyon et les organisateurs 4.500. Parmi eux, Pierre Ojardias, 53 ans, un directeur d'établissement privé à Saint-Fons, dans la banlieue
lyonnaise, qui n'était auparavant descendu dans la rue qu'à trois reprises en trente ans de carrière.

"Faire la grève et manifester n'est pas dans nos gènes, mais quand il faut défendre la qualité de notre enseignement on est prêts à descendre dans la rue", a-t-il expliqué.

Nicolas Sarkozy a irrité nombre d'enseignants mardi matin, en expliquant que son devoir était de penser d'abord aux salariés de l'industrie, dont les emplois sont exposés à la
concurrence internationale, plutôt qu'aux fonctionnaires, protégés par leur statut.

Venue soutenir les professeurs parisiens, Martine Aubry candidate à la primaire socialiste, a estimé que le chef de l'Etat n'avait "rien compris" à la France en cherchant à opposer une nouvelle fois les Français les uns aux autres.

"Il ne sait qu'opposer, il ne sait que diviser face au fiasco qui est le sien sur le plan économique, sur le plan social, sur le plan sécuritaire", a-t-elle dit aux journalistes.