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L’Union européenne accusée de ne pas aider les réfugiés à la frontière libyenne

L'Union européenne abandonne à leur sort les réfugiés d’Afrique subsaharienne qui ont fui le conflit libyen. Une attitude dénoncée par Amnesty International, qui juge que les conséquences de cette inaction pourraient être graves.

Au poste de Saloum, un complexe militaire composé de plusieurs barrages routiers situé à la frontière entre l’Egypte et la Libye, un millier d’étrangers qui ont échappé aux combats en Libye sont toujours bloqués à la lisière des deux pays. Il en est de même à la frontière tunisienne, où des milliers de réfugiés et de demandeurs d’asile sont toujours contraints de vivre dans des campements sommaires.

Pays pétrolier, la Libye de Mouammar Kadhafi comptait entre 1,5 et 2,5 millions d’étrangers originaires d’Afrique et d’Asie. Si la plupart d’entre eux ont cherché à quitter le pays au début de l’insurrection contre le régime du Guide, en février, tous n’ont pas réussi à trouver un nouvel asile.

Six mois après le début de la guerre, les ressortissants de pays africains eux-mêmes en situation de conflit - comme la Somalie, le Soudan, l'Erythrée ou l'Ethiopie - résident encore aux frontières de la Libye sous des tentes de fortune. Empêchés de poursuivre leur voyage, ils sont sans travail et bien souvent sans espoir.

Face à cette situation alarmante, Amnesty international reproche aux gouvernements européens une "attitude affligeante" dans un rapport publié mardi intitulé "C’est maintenant à l’Europe d’agir". Selon l’organisation de défense des droits de l’Homme basée à Londres, ces pays devraient accueillir sur leur territoire près de 5 000 réfugiés, qui s’exposeraient à des persécutions ou mettraient leur vie en danger en retournant chez eux.

"Cet immobilisme est d'autant plus choquant qu'en participant aux opérations de l'Otan en Libye, certains pays européens ont été à l'origine du conflit qui a conduit au déplacement involontaire de nombre de ces personnes", estime Nicolas Beger, le directeur du bureau européen d'Amnesty International, dans un communiqué de presse.

Bloqués aux frontières

Au camp de réfugiés de Choucha situé près du poste de Ras Jdir, à la frontière tunisienne, près de 4 000 réfugiés vivent isolés, dans une région où les conditions de vie sont particulièrement sévères.

"Du côté tunisien de la frontière, les réfugiés vivent dans des conditions très précaires. La Tunisie n’a pas les moyens d’accueillir ces personnes pour des périodes de longue durée", explique Francesca Pizzutelli, chercheuse au sein de l’équipe d’Amnesty international chargée des droits des réfugiés et des migrants, dans une interview téléphonique accordée à France 24. "En Egypte, la situation est toute aussi mauvaise. Saloum est une base militaire et le gouvernement égyptien refuse d’autoriser les réfugiés à aller plus loin."

Si le Canada, les Etats-Unis et l’Australie ont proposé d’accueillir une partie de ces réfugiés, seuls huit pays de l’Union européenne - la Belgique, le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas, l’Irlande, la Norvège, le Portugal et la Suède - ont offert leur aide, dans la limite de 700 autorisations d’entrée sur leur territoire.

Les Subsahariens stigmatisés

Réagissant au rapport d’Amnesty international, un porte-parole du gouvernement britannique a indiqué, sur la BBC, que "les questions humanitaires et les problèmes posés par les réfugiés sont mieux traités dans la région concernée". Un argument que réfute Francesca Pizzutelli. "C’est une réaction très hypocrite, car les personnes dont nous parlons ne sont pas originaires de la région. Elles viennent de Somalie, du Soudan, d’Ethiopie, d’Erythrée… Et la plupart d’entre elles ne parlent pas l’arabe. Elles viennent d’Afrique subsaharienne, ce qui implique qu’elles sont noires et qu’elles sont victimes d’un fort racisme, juge-t-elle. Pour les pays européens, cette réaction est une manière de botter en touche."

Le conflit en Libye a exacerbé l’hostilité envers les étrangers originaires d’Afrique subsaharienne. Bien qu’il n’en existe aucun décompte officiel, les "murtazaka", ou mercenaires employés par le colonel Kadhafi, ont participé aux combats contre la rébellion.

Des cas de mauvais traitements de Subsahariens accusés de faire partie des "murtazaka" ont été rapportés par les médias, notamment la BBC qui cite le viol de femmes noires par des combattants agissant pour le compte du Conseil national de transition (CNT) libyen.

Selon Francesca Pizzutelli, "de nombreuses personnes venant d’Afrique subsaharienne ont été battues. Des témoins ont assisté à l’assassinat de certaines d’entre elles, après qu’on leur a confisqué leur argent, leurs téléphones et d’autres biens".

Le CNT a plusieurs fois demandé à ses combattants de faire preuve de retenue et de ne pas agir par vengeance. Mais Amnesty international estime que les risques de violence et d’arrestations arbitraires sont bien réels pour les réfugiés.

Être persécuté ou finir au fond de la mer

En dépit des risques de mauvais traitements, un nombre croissant de réfugiés retournent en Libye, indique Amnesty international, afin de tenter d’embarquer à bord de bateaux pour l’Europe. Selon l’organisation, plus de 1 500 personnes sont mortes depuis le début de la guerre au cours de cette traversée périlleuse.

Pour de nombreux réfugiés coincés dans ce nulle part où ils n’ont rien, il n'existe que deux choix : prendre le risque d’être persécuté ou finir au fond de la mer. "Les réfugiés bloqués à la frontière libyenne sont face à une cruelle alternative", déclare ainsi Nicolas Beger, qui espère que l’Union européenne va commencer à accorder une attention prioritaire à la situation, notamment lors du Conseil Justice et Affaires intérieures qui a lieu ce jeudi.