
Alors que les ministres européens de l'Agriculture doivent se rencontrer ce mardi, les responsables de quatre ONG françaises d'aide alimentaire ont poussé hier "un cri d'alerte", dénonçant la réduction du budget européen consacré aux plus pauvres.
AFP - A la veille d'une réunion cruciale des ministres de l'Agriculture, les associations françaises d'aide alimentaire se sont alarmées lundi d'une réduction drastique du budget européen consacré aux plus pauvres, qui met en danger leur activité.
Lors d'un point de presse, les responsables des Restos du Coeur, de la Croix-Rouge française, du Secours populaire et du réseau des banques alimentaires ont poussé "un cri d'alerte".
Julien Lauprêtre, le président du Secours populaire, a prédit "un tsunami alimentaire" si les ministres n'agissent pas; Olivier Berthe, le président des Restos du Coeur, "une crise humanitaire et alimentaire".
Les ministres européens de l'Agriculture, réunis en Conseil à Bruxelles, doivent se pencher mardi sur l'avenir pour 2012 du Programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD), mis en place en 1987, en réponse à un appel de l'humoriste Coluche, fondateur des Restos du Coeur.
Une réunion de "la dernière chance", selon un diplomate européen, pour éviter que son budget ne soit réduit drastiquement: la Commission européenne a annoncé en juin qu'il serait ramené de 480 à 113,5 millions d'euros (-76%), dont 15 millions (-80%) pour la France.
Et pour 2013, les associations craignent sa disparition pure et simple.
Utilisé dans 19 des 27 Etats membres, le PEAD permet de financer l'aide alimentaire de 13 millions d'Européens pauvres, dont 4 millions de Français.
Si l'argent européen s'envole, les associations craignent le pire.
En France, elles ont suffisamment collecté pour maintenir le niveau actuel des distributions de repas aux plus démunis jusqu'au début 2012. Mais après? 130 millions des 440 millions de repas actuellement distribués ne pourraient plus l'être sur l'ensemble de l'année, répond Didier Piard, responsable de l'action sociale à la Croix-Rouge.
Car le PEAD représente 23 à 55% des denrées collectées par les associations françaises.
Le dispositif a dérivé
"En Espagne, c'est 50% des approvisionnements des banques alimentaires, en Italie les deux tiers, en Pologne et en Hongrie 90%", souligne Alain Seugé, président du réseau français de ces banques alimentaires et vice-président de la Fédération européenne. "Imaginez les dégâts sur les bénéficiaires, et sur le tissu associatif."
Les "menaces" qui pèsent sur le PEAD sont d'autant plus inquiétantes qu'elles interviennent en pleine période de crise économique et de progression de la pauvreté, soulignent les associations.
M. Lauprêtre évoque "15 à 20% de demande en plus en un an" et déjà autant de personnes accueillies sur les huit premiers mois de 2011 que sur toute l'année 2010 (2,4 millions).
Créé sous l'impulsion de Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, le PEAD a été conçu comme outil de régulation des stocks dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC).
La réduction de son budget est la conséquence d'un arrêt rendu en avril par la Cour européenne de Justice (CEJ) qui a jugé que le dispositif a dérivé: faute de stocks agricoles suffisants, l'UE, qui devait initialement puiser dedans pour assurer le programme, a acheté de plus en plus de produits sur les marchés.
Un front de sept pays, emmenés par l'Allemagne, considère donc que le système ne doit plus relever de la PAC, mais de budgets sociaux, gérés par chaque Etat.
Les associations, soutenues par le gouvernement français, espèrent que le Conseil des ministres de mardi "enclenchera le travail pour faire sauter ce verrou dans les deux-trois semaines", car "le temps presse", l'hiver approche.