Pour la première fois, un secrétaire américain au Trésor a accepté de participer à la réunion des grands argentiers européens, vendredi. L'occasion d'exhorter les Européens à ne pas sacrifier la croissance sur l'autel de la rigueur.
C’est une première : un secrétaire américain au Trésor participera à la réunion des ministres de l’Économie et des Finances de l’Union européenne (Ecofin), qui se tiendra en Pologne ces vendredi et samedi. Déjà convié par le passé, Timothy Geithner, qui occupe le poste depuis janvier 2009, avait toujours décliné l’invitation pour des questions d'agenda.
Il s’agira du deuxième déplacement en moins d'une semaine du secrétaire américain sur le Vieux Continent, après le sommet du G7 des finances, le 10 septembre à Marseille (sud de la France). "Geithner cherche à pallier le manque de productivité du dernier G7", estime Frédéric Bonnevay, économiste à l’Institut Montaigne. L’absence de mesure concrète à l’issue de la rencontre a d’ailleurs été sanctionnée en début de semaine par les marchés - les Bourses européennes ont alors cédé entre 1,60 % et 4% -, qui doutent des capacités des politiques à se mettre d'accord et à reprendre la main face à la crise de la zone euro.
"Aujourd’hui, cette rencontre s’impose comme une priorité dans l’agenda américain", commente Christine Rifflart, spécialiste des États-Unis au sein de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Le président américain, Barack Obama, a déclaré ce mardi au quotidien espagnol El Mundo que la Grèce est la première source d'inquiétude, tout en admettant que de nouvelles attaques des marchés contre l'Espagne et l'Italie créeraient un problème plus grand encore. "Il est très important pour le monde que les Européens fassent ce qu'il faut, a indiqué pour sa part Timothy Geithner dans une tribune publiée la semaine dernière dans le journal Financial Times. C'est dans l'intérêt des États-Unis que l'euro survive."
Relance contre austérité
Si l’objectif de cette rencontre est de boucler le deuxième plan d'aide à la Grèce de près de 160 milliards d'euros, le secrétaire américain au Trésor cherchera également à discuter avec ses homologues européens de leurs efforts pour contribuer à la reprise économique mondiale qu’il qualifie d’"impérieuse".
"Les politiques budgétaires doivent partout être guidées par les impératifs de la croissance", écrit-il dans les colonnes du quotidien économique. Il reconnaît que certains pays confrontés à des déficits et des coûts de financement élevés n'ont pas d'autres choix que de consolider leurs finances publiques, mais que d'autres disposent de marges de manœuvre pour soutenir la croissance ou au moins ralentir le rythme de la réduction de leurs déficits.
Geithner a clairement un message à faire passer, estime Christine Rifflart : "Motiver les Européens à avoir des politiques budgétaires moins restrictives pour éviter de freiner la politique de relance américaine qui va se mettre en place", indique-t-elle. Alors que les pays de la zone euro s’emploient à réduire leurs déficits, la priorité des États-Unis est de doper la croissance et l'emploi grâce, notamment, au plan de relance présenté jeudi par Barack Obama.
"En dopant la croissance, Washington sait que les importations vont augmenter, poursuit Christine Rifflart. Mais cela signifie que ce sont donc les Européens qui vont en profiter à leurs dépens."
"Il est difficile de coordonner et de se mettre d'accord sur une méthode commune avec autant de pays, autant de politiques et de situations économiques différentes", a déclaré, lundi, le président américain devant la presse hispanophone. "Ce sera un sujet important lors de la réunion du G20 qui se déroulera en novembre" en France. Il semble donc déjà acquis qu'aucune solution ne sera trouvée cette semaine...