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La sortie de la Grèce de la zone euro : la fin d’un tabou dans la presse française

L’éventualité de la sortie de la Grèce de la zone euro n’est plus un sujet tabou... mais n'en reste pas moins un sujet qui fâche. Tour d’horizon des journaux français qui se sont penchés sur l’épineuse question de cette exclusion.

Faut-il encore payer pour la Grèce ? La question, qui fait la une du "Parisien" dans son édition de mardi, divise la presse française. La sortie de la zone euro d'Athènes - talon d'Achille de l'Europe dont la faillite annoncée serait désormais imminente - serait une solution "totalement absurde", commente ce mardi dans "Libération" Olivier Pastré, un professeur d’économie à l’université Paris-VIII. Selon lui, si l’Europe lâchait la Grèce, le prix à payer serait conséquent. "Sortir de l’euro serait un suicide. D’abord pour les Grecs dont la dégradation du niveau de vie serait fatale, mais aussi pour le reste de l’Europe. Pour elle, la facture serait élevée."

Un avis partagé par certains quotidiens français qui prônent la théorie du "sauvetage avant tout" pour éviter le naufrage collectif. "La Grèce est montée sur le bateau de l'euro en trafiquant ses comptes, et elle fait désormais tanguer tout le monde. Mais la jeter à l'eau ferait carrément chavirer la fragile embarcation", analyse Patrick Fluckiger, le rédacteur en chef du quotidien "L’Alsace". "Il faut aider la Grèce et cesser de penser que les Grecs sont responsables de la crise. Ne pas le faire, ce serait prendre le risque redoutable d'un effet domino dévastateur pour les peuples", explique de son côté Maurice Ulrich, éditorialiste à "L’Humanité". Pour d’autres, sauver la Grèce est une question de pragmatisme : "Le sauvetage de ce tonneau des Danaïdes coûterait moins cher que son abandon" écrit Daniel Ruiz dans le journal auvergnat "La Montagne".

"Accepter la Grèce dans l’euro était une erreur"

Pourtant l’exclusion du pays - rejetée en force par les dirigeants de la zone euro il y a encore peu - n’est plus une chimère. Le scénario du pire, s’il n’est pas explicitement envisagé, est aujourd’hui dans toutes les pensées. Un article de "Der Spiegel", publié dimanche, a mis le feu aux poudres. D'après des informations de l'hebdomadaire allemand, le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, envisagerait déjà un plan d'action suite à la faillite de la Grèce, laquelle pourrait se solder par une sortie du pays de l'euro.

Pour "Le Figaro", cette exclusion est désormais une hypothèse plausible. "Peut-être […], [la Grèce] sortira-t-elle de la monnaie unique", pronostique, prudent, Gaëtan de Capèle, directeur adjoint de la rédaction économie, dans son éditorial de mardi. "[Le défaut de paiement] n’est, semble-t-il, maintenant plus qu’une question de jours. À très court terme, la Grèce devrait se retrouver en défaut de paiement […]" Pour le quotidien d’informations économiques "Les Échos", ce n’est pas tant la sortie du pays que sa rentrée dans la zone euro qui fait débat : "Hélas. La vérité est qu’il faudrait reconnaître qu’accepter la Grèce dans l’euro était une erreur", sanctionne Dominique Seux, son rédacteur en chef. "L’Allemagne souffle le chaud et le froid depuis un an et demi, un défaut [de paiement] décidé au printemps 2010 aurait peut-être été plus efficace."

Un jugement sévère mais qui n’est pas isolé. "Le calvaire [de la Grèce] n’est malheureusement pas fini", jugeait lundi Eric Walther, le rédacteur en chef adjoint de "La Tribune", avant de conclure de façon cinglante: "On en vient presque à regretter le temps où les Athéniens pratiquaient la mise à mort expéditive, Platon en fit l’expérience, en administrant à ses condamnés une potion chargée de ciguë."

Examen de conscience

Quelle que soit leur position sur le sort de la Grèce, tous s’accordent sur un point : il est indispensable de repenser le système économique de la zone euro. "Les dirigeants de l’Union sont aujourd’hui davantage otages de leur propre paralysie que des marchés financiers", juge l'éditorialiste Vincent Giret dans "Libération". "L'Europe est confrontée à un défi: en pleine tempête, il lui faut repenser de A à Z sa doctrine économique, sa philosophie de la solidarité, voire ses objectifs politiques", commente de son côté "L’Alsace". Une opinion également partagée par le quotidien "La Croix", qui explique dans son édition de lundi que "le système bancaire ayant démontré son incapacité à s’autoréguler, il est nécessaire que les autorités publiques s’en chargent".

Pour "Le Figaro", ce "naufrage" de la Grèce va obliger l’Europe à un profond examen de conscience. Introspection qui démontrera "que la zone euro n’est pas le sanctuaire que l’on croyait". "L’Humanité", enfin, dénonce - sans surprise - un système vicié par les marchés financiers. "La préoccupation, la responsabilité, le devoir même des États et des politiques ne sont plus de répondre aux besoins des peuples, mais aux attentes des marchés, c'est-à-dire, au bout du compte, des actionnaires et même des spéculateurs."