, envoyée spéciale à New York – Sapeurs-pompiers et officiers de police de l’Hexagone étaient présents en nombre à New York pour exprimer leur solidarité à l’égard de leurs homologues Américains. Entre les deux rives de l’Atlantique, de "grandes familles" sont nées. Reportage.
Il est loin le temps où les "French fries" (les frites) étaient rebaptisées "Freedom fries" aux États-Unis. L’hostilité américaine exprimée en 2003 après l’opposition française à la guerre en Irak a laissé place à un vaste élan d’amitié et de solidarité entre les deux rives de l’Atlantique. Parmi les Français ayant répondu à l’appel des commémorations du dixième anniversaire des attentats du 11-Septembre dimanche à New York, des officiers de police et des pompiers en uniforme étaient venus spécialement de France, pour se recueillir là où des centaines de leurs collègues américains sont morts dans l’exercice de leur métier.
À la mémoire des "343"
Alors que tout New York était bloqué par des mesures de sécurité renforcées, les sapeurs-pompiers de Melun n’ont eu besoin ni d’autorisation spéciale ni d’invitation pour franchir les barricades. La seule exigence de la police new-yorkaise (NYPD), pourtant intraitable sur les règles de sécurité : qu’ils laissent leurs vélos rouge vif en dehors du périmètre des cérémonies.
Sans attendre l’aval de leurs autorités, la dizaine de pompiers de Seine-et-Marne, en banlieue parisienne, a payé de sa poche pour parcourir les 6 000 kilomètres qui séparent Paris de New York. "Les pompiers sont une grande famille. Tous ceux qui sont morts en essayant de sauver des vies le 11-Septembre méritent la reconnaissance du monde entier", témoigne Gaëtan Christen, 26 ans.
Le grand gaillard à tête blonde exhibe les écussons qu’il a expressément cousus sur son uniforme : "On s’est fait une tenue spéciale avec l’écusson de la France et celui des pompiers de New York, les fourragères [décoration en forme de cordelette tressée qui se porte à l’épaule gauche, ndlr] et le drapeau américain dans le dos", montre-t-il avec fierté. Le chiffre "343", comme le nombre de pompiers morts ce jour-là, est imprimé du côté du cœur.
"Ils nous disent tous ‘merci’"
Quelques blocs plus loin, sur Church street qui longe Ground Zero à l’est, un officier à l’embonpoint gourmand et aux moustaches en guidon semble prendre un malin plaisir à nourrir l’image stéréotypée du Français d’avant-guerre. Avec un groupe d’une quarantaine d’autres pompiers, il pose fièrement sous le drapeau tricolore avec des Américaines gloussantes et trébuchantes. Les Français seraient presque les vedettes. Pourtant aucun n’était venu prêter main forte aux pompiers américains au lendemain de l’attentat. Mais l’heure n’est plus au regret.
"C’est incroyable, tous les pompiers américains que l’on croise n’ont qu’un mot à la bouche quand ils nous voient : merci !", raconte avec fraîcheur Gaëlle Marillier. Cette infirmière sapeur-pompier de 29 ans, qui exerce dans le Jura, était déjà venue à New York en 1999. Elle garde un souvenir ému de sa virée au dernier étage de l’une des deux tours du World Trade Center.
"Je ne peux m’empêcher de m’imaginer là-haut. Je repense à cette très belle journée. La vue sur New York était magnifique et j’ai pris des photos qui valent de l’or maintenant, " raconte-t-elle en gardant les yeux tournés vers le ciel où la "Freedom tower" (tour de la Liberté) a désormais redessiné l’horizon de la ville.
Gaëlle Marillier a assisté aux cérémonies d’hommage rendues aux "héros" du feu qui ont jalonné cette semaine new-yorkaise de commémorations. Lors de l’énumération des 343 noms pendant la messe de l’église St Patrick, le 9 septembre, elle n’a pu retenir ses larmes : "C’est beaucoup d’émotion. On a beau être durs et blindés, je peux vous dire qu’on a versé des larmes depuis qu’on est arrivé… ". Gaëlle, qui rentre mercredi en France, espère revenir très prochainement à New York, pour caresser de la main les noms de ses collègues, gravés dans la pierre du mémorial, inauguré dimanche par le président Obama.
Les "grande familles"
Laurent Juste, lui, n’attendra pas une année de plus pour effleurer la pierre chaude du mémorial. Ce brigadier de police bordelais a réservé en ligne, il y a déjà plusieurs mois, sa visite du mémorial qui ouvre officiellement ce lundi au public, .
Bouleversé après avoir assisté à l’effondrement des tours derrière son téléviseur en 2001, Laurent Juste a créé dans la foulée "911-17", une association qui promeut l’amitié entre polices française et new-yorkaise : "On forme une famille alors c’est important de se montrer solidaire", estime-t-il. Pour cela, Laurent ne lésine pas sur les moyens : il a récemment organisé une levée de fonds pour financer la scolarisation d’un enfant d’officier new-yorkais. "Il y a trois ans, la Ville et les forces de l’ordre nous ont félicités et remerciés pour notre investissement", raconte-t-il avec fierté.
Il s’interrompt pour embrasser un agent de la NYPD. Le lieutenant Corbett, qui vient s’assurer que le petit groupe de Français est bien traité, invite le brigadier Juste et les autres membres de "911-17" à visiter son quartier général. Non sans répéter plusieurs fois… La seule chose qu’il manque pour l’instant à ces "grandes familles", c’est de parler la même langue.