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Alors que le collectif qui mène la grève en Martinique a annoncé que les négociations étaient rompues dans l'île, des milliers de manifestants ont à nouveau défilé en Guadeloupe.

Retrouvez le carnet de route d'Eve Irvine et Willy Bracciano, nos envoyés spéciaux en Martinique, en cliquant ici.

AFP - "Nous irons jusqu'au bout": au Moule, une petite commune côtière symbole du "martyre guadeloupéen", des milliers de personnes ont défilé samedi déterminées à poursuivre la grève tant que leurs revendications "contre la vie chère" n'auront pas abouti.

En 1952, quatre ouvriers avaient été tués au Moule par les forces de l'ordre lors d'une manifestation pour réclamer une augmentation de leurs revenus.

C'est donc à dessein que le collectif LKP avait choisi ce lieu hautement symbolique pour montrer sa détermination à continuer le mouvement après presque un mois de grève et des négociations dans l'impasse.

"Il est trop tard pour faire machine arrière", explique Elise Gimar, traiteur à son compte qui arbore fièrement un t-shirt rouge du LKP.



Pas question pour la plupart des manifestants - 9.000 (police) 50.000 (organisateurs)- de suivre les élus de gauche qui ont lancé le matin même un appel "à un assouplissement de la grève" pour permettre à l'économie de redémarrer.

Viviane Quistin refuse ainsi l'ouverture de l'école où elle est agent d'accueil tant qu'elle "n'aura pas satisfaction" sur la hausse de son salaire.

Les artisans étaient nombreux dans les rangs des manifestants. Louis Sejor, charpentier, a mis la clef sous la porte depuis le 20 janvier. "Je suis là pour mes enfants", dit-il souhaitant surtout "des embauches d'enseignants".

A ceux qui s'inquiètent d'un durcissement du mouvement -M. Domota a accusé l'Etat de "vouloir tuer les guadeloupéens"- avec de possibles dérapages, M. Sejor rétorque, désignant le gouvernement: "la provocation vient d'eux, pas de nous".

Sous le soleil, Lydia Montout entonne au son des tambours "La Guadeloupe c'est à nous, la Guadeloupe c'est pas à eux". "Eux, explique cette commerçante de 50 ans, ce sont les gros profiteurs comme l'Etat, les cadres fonctionnaires et les békés (créoles blancs descendants des colons)", assurant toutefois ne pas être "raciste".

"Le mouvement ne s'essoufle pas. Il s'amplifie", a mis en garde le leader charismatique du collectif LKP "contre l'exploitation outrancière" Elie Domota, au centre d'un carré de tête cerné d'un nombre impressionnant de gardes du corps.

Un morceau de canne à sucre entre les dents, il réclame à nouveau que le gouvernement tienne ses "engagements" en permettant une augmentation des bas salaires via des exonérations de charges.

Le LKP avait affrété quatre bus de Pointe-à-Pitre pour palier le manque de carburant, bien que plusieurs stations service aient rouvert samedi.

Venu en voisin seulement pour "voir", Victor Maurice, chef de projet dans une société d'économie mixte, veut lui que le blocage cesse craignant "un pourrissement de la situation", des fermetures d'usine en cascade et une envolée du chômage.

Après près de deux heures de marche, le long cortège s'est arrêté pour déposer une gerbe devant l'entrée du cimetière. Sur une stèle, au dessus des noms des quatre ouvriers tués lors du "massacre de la Saint-Valentin", ces deux mots: "Honneur et respect".