Les enseignants rentrent dans leurs établissements ce vendredi avant les élèves le 5 septembre. Mais celle-ci s’annonce difficile cette année : 16 000 postes sont supprimés alors que les effectifs subissent une forte augmentation.
La rentrée revêt pour nombre d’enseignants un goût amer. En cause, les suppressions de postes effectives cette rentrée et leurs conséquences sur l’organisation des classes.
"Les enseignants vont faire leur rentrée dans une situation tendue ou du moins dégradée par rapport à l’année dernière", déplore Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUipp-FSU, syndicat majoritaire dans l’enseignement primaire.
Dès le 27 septembre, une journée de grève unitaire est annoncée à l’appel des fédérations et syndicats de l'Éducation nationale. "Une grève unitaire, qui rassemble aussi largement et aussi tôt le monde de l’Éducation – primaire et secondaire seront représentés aussi bien dans le privé que dans le public -, c’est une première depuis longtemps", remarque Daniel Robin, co-secrétaire du Snes-FSU, premier syndicat des collèges et lycées.
Après 50 000 suppressions de postes entre 2007 et 2010, 16 000 sont de nouveau prévues dont 14 000 en 2012, ce qui portera le total des suppressions à 80 000 en quatre ans.
"La vraie question aujourd'hui, c'est le sur-mesure et non la quantité", a souligné le ministre de l’Éducation Luc Chatel, interrogé sur cette question, lors de sa traditionnelle conférence de presse de rentrée, jeudi.
Une augmentation importante des effectifs
L’inquiétude est d’autant plus grande qu’on assiste cette rentrée à une augmentation du nombre des élèves, et ce, à tous les niveaux des cursus scolaires.
Dans le secondaire, ils seront 80 000 élèves de plus pour 4 800 professeurs de moins. Dans le primaire 9 000 postes seront supprimés, soit 1 500 classes fermées, alors que seront accueillis 8 000 élèves de plus, d’après les chiffres du Snes-FSU.
L’afflux d’élèves supplémentaires est attribué à une augmentation du nombre des naissances en France au cours de la dernière décennie, avec des pics qualifiés de "minis baby booms"en 2000 et 2005. Pour Daniel Robin, les suppressions de postes sont d’autant plus "inacceptables et incohérentes", que "ce genre de données démographiques est tout à fait prévisible!"
Pour expliquer ce déséquilibre, Sébastien Sihr rappelle l’engagement de Nicolas Sarkozy au début de son mandat de ne remplacer qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Ainsi, de moins en moins de postes sont proposés aux concours.
"Mais cette règle est appliquée à la lettre dans toute la fonction publique, même dans l’Éducation où c’est plus qu’incohérent", déplore-t-il.
"La politique qui consiste à supprimer des emplois alors que l'on sait que dans les quinze années qui viennent, on aura de 30 000 à 50 000 élèves par an de plus à accueillir, c'est du suicide", juge Daniel Robin.
Luc Chatel estime, quant à lui, responsable d'assumer cette politique. "Ceux qui disent qu'ils vont recréer des postes en 2012 vous mentent", a-t-il ajouté lors de sa conférence de presse de rentrée.
L’enseignement menacé
Les conséquences des suppressions de postes sont multiples selon les syndicats, et concernent en premier lieu, l’inévitable augmentation des effectifs par classe.
Le risque est également de voir certaines matières supprimées. "Ce sont les options qui vont trinquer, mais aussi les langues vivantes", estime Daniel Robin. Face à la pénurie de professeurs, nombreux sont les établissements qui vont diminuer leur effectif d’enseignements optionnels et se contenter de l’anglais et de l’espagnol pour les langues vivantes.
Du côté du primaire, on déplore avant tout la diminution des postes d’enseignants des Réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), dont 600 viennent d'être supprimés. Selon le SNUipp-FSU, ce sont près de 30 000 élèves en difficulté qui ne pourront pas être aidés.
Une année qui s’annonce difficile
Pour pouvoir malgré tout assurer une rentrée dans les meilleures conditions, "les professeurs remplaçants ont été utilisés dès la rentrée et affectés dans le secondaire à des postes de permanents", explique Daniel Robin. Cela signifie qu’il risque d’y avoir des difficultés à remplacer les enseignants malades par exemple. "Dans certaines académies, selon les disciplines, comme en lettres modernes ou en mathématiques par exemple, on n’a plus un seul professeur remplaçant."
Le primaire souffre du même mal. "Nous sommes très inquiets pour la période de janvier/février, traditionnel pic d’épidémies où nombre d’enseignants sont absents ", confie Sébastien Sihr. "On risque cette année d’avoir des classes fermées."
La grogne des enseignants ne semble donc pas près de s’apaiser.