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Somalie : faim de guerre

La Somalie endure aujourd’hui la plus grave crise humanitaire au monde, selon l’ONU. La population est contrainte de fuir les provinces ravagées par la famine. Certains choisissent de rallier Mogadiscio, une capitale en guerre où les humanitaires ont les pires difficultés à leur venir en aide.

Ils sont près de cent mille, installés dans des huttes de branches et de chiffon un peu partout dans Mogadiscio. Tous sont en haillons, le visage émacié, le regard délavé par la faim et des journées de marche interminable sous un soleil de plomb.

Ils ont tous la même histoire : une terre rendue stérile par la pire sècheresse en 60 ans, les bêtes qui meurent de faim les unes après les autres, l’aide humanitaire bloquée par les Shebabs, les premiers décès dans le village et puis la décision de tout abandonner, de partir à pied le ventre vide pour ne pas mourir de faim.

À Mogadiscio, ils pensaient trouver de l’aide, des sacs de nourriture distribués et une vraie chance de rebondir, de trouver une nouvelle vie. Mais le plus souvent, il n’y a rien ; sinon la violence quotidienne d’une ville en proie à une guerre civile depuis plus de 20 ans.

Mogadiscio est un enfer. C’est l’un des endroits les plus dangereux de la planète où des miliciens armés appartenant à différents clans s’affrontent parfois en pleine rue, au fusil d’assaut, pour quelques sacs de céréales. Dans ce contexte les organisations humanitaires ont bien du mal à travailler.

Des hommes armés font régner la terreur dans les camps

Les entrepôts du Programme Alimentaire Mondial (PAM) sont pleins, et à l’aéroport, on décharge des caisses de médicaments et de nourriture à longueur de journée. Le problème est de distribuer l’aide. Le 5 août, une grande distribution de nourriture sèche était organisée, mais elle s’est terminée en fusillade. Une dizaine de réfugiés sont morts et les assaillants sont repartis avec des camions chargés de nourriture.

À Mogadiscio, les travailleurs humanitaires étrangers sont une cible, et la nourriture, une denrée bien trop précieuse, ils ne peuvent pas travailler dans les camps. Seule solution, s’appuyer sur des partenaires locaux qui doivent eux-mêmes batailler et prendre de gros risques pour que l’aide parvienne aux déplacés.

Quand les distributions fonctionnent, ce sont les bénéficiaires eux-mêmes qui se font attaquer. Au camp de Badbado, plusieurs déplacés racontent avoir été obligé de remettre la nourriture qui leur avait été donnée à des hommes armés. Les camps ont grossi si rapidement qu’ils sont devenus incontrôlables. L’insécurité y est totale.

La seule solution trouvée par les humanitaires est de distribuer des rations de nourriture déjà cuite. Les déplacés repartent avec un repas prêt à consommer qui n’a presque pas de valeur marchande. Le problème est qu’ils doivent revenir chaque jour et faire la queue durant des heures pour nourrir leur famille une seule fois.

Les Shebabs sont partis, mais l’insécurité demeure

Le 6 août, les insurgés islamistes radicaux Shebab se sont retirés de la ville. Jusque-là, les combats étaient quasi-quotidiens entre eux et les forces loyales au gouvernement de transition reconnu par la communauté internationale.

Depuis, les militaires de l’armée somalienne, et de l’AMISOM, la force de maintien de la paix de l’Union Africaine, se sont déployés dans les anciens bastions Shebabs. Grâce à ce retrait, les organisations humanitaires espèrent pouvoir intensifier leurs programmes. Mais la ville n’est toujours pas sûre. Des poches d’insurgés se cachent toujours dans certains quartiers et les Shebabs ont fait savoir qu’ils opéraient un retrait tactique, et qu’ils changeaient de stratégie au profit d’une guérilla terroriste. S’ils mettent leurs menaces à exécution, Mogadiscio pourrait devenir une ville encore plus dangereuse que lorsque les fronts étaient clairement définis.

Selon la FAO, En Somalie, 3,7 millions de personnes sont en situation de crise, et 3,2 millions ont besoin d'une aide immédiate dont dépend leur survie.