À Praia, le pouvoir change de main. L’opposant Jorge Carlos Fonseca (photo) succède à Pedro Pires au pouvoir depuis dix années. Sa victoire qui n'a souffert d'aucune contestation conforte le Cap-Vert comme modèle de la démocratie en Afrique.
À 60 ans, Jorge Carlos Fonseca devient le troisième président élu au suffrage universel de l’histoire politique cap-verdienne. Le candidat du Mouvement pour la démocratie (MPD), jusqu'alors principal parti de l’opposition, est arrivée dimanche en tête du second tour de la présidentielle. Dans 92 % des bureaux de vote, il est crédité de près de 55 % des suffrages devant Manuel Inocencio Sousa, le dauphin du président sortant arrivé au terme de son deuxième et dernier quinquennat.
Sa victoire conforte ainsi la tradition d’alternance démocratique au pouvoir entre les deux principales formations politiques du pays, le MPD et le Parti africain de l’indépendance du Cap-Vert (PAICV) de Pedro Pires, au pouvoir depuis 2001. Une constance qui ferait presque figure d'exception sur le continent africain.
Cap-Vert à l’école de la démocratie
Pourtant, lorsque le pays accède à son indépendance en 1975, rien ne laisse présager un tel enracinement de la démocratie dans l’archipel. Une fois l’administration coloniale portugaise évincée, Aristide Pereira, désigné président de la République, s’empresse d'établir le monopartisme. À l'instar des pays du bloc communiste, seule sa formation, le Parti africain de l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGCV, socialiste), ancêtre du PAICV, a droit de cité.
Il faudra attendre l’effondrement du régime soviétique dans les années 1990 pour que les lignes commencent à bouger au Cap-Vert. Les universitaires, parmi lesquels Jorge Carlos Fonseca, saisissent alors l’opportunité pour exiger du pouvoir plus de démocratie. Dans la foulée, le multipartisme est autorisé et le MPD voit le jour. Fonseca en fait partie et participe à la réforme constitutionnelle amorcée dans le pays.
Les premières élections démocratiques se tiennent en 1991. Et comme pour sanctionner le PAICV au pouvoir depuis 15 ans, c’est Antonio Gomes Monteiro, le candidat du MPD, parti de l’opposition, qui remporte le scrutin présidentiel devant le chef de l’État sortant Aristide Pereira. Dans la nouvelle équipe gouvernementale, Jorge Carlos Fonseca, juriste de formation, est nommé ministre des Affaires étrangères, fonction qu’il occupe jusqu’en 1993.
Pour consolider sa démocratie, le pays organise la deuxième présidentielle au suffrage universel de son histoire à l’issue du premier quinquennat d’Antonio Gomes Monteiro. Mais, le parti rival, le PAICV, choisit de ne pas aligner de candidat. Le président sortant est ainsi réélu avec 80 % des suffrages exprimés.
"Je reconnais avoir perdu"
En 2001, après deux mandats de cinq ans, Antonio Gomes Monteiro ne peut plus se représenter. Le PAICV en profite pour signer son retour aux affaires. Son candidat Pedro Pires, ancien Premier ministre de Pereira, bat le dauphin de Monteiro. Comme son prédécesseur, le président élu ne rompt pas avec la culture démocratique du pays. À la fin de son premier quinquennat en 2006, il organise un scrutin présidentiel, qui l'opposera à Jorge Carlos Fonseca. Vaincu dans les urnes, ce dernier n’hésite pas à reconnaître sa défaite. En attendant son heure...
Dimanche, l'ancien universitaire a été donné vainqueur du second tour de la présidentielle devant le candidat de PAICV, Inocencio Sousa, qui, comme le veut la démocratie cap-verdienne, a reconnu sa défaite sans protester. "Je félicite mon adversaire Jorge Carlos Fonseca, a-t-il déclaré sur les médias publics. Je reconnais avoir perdu ce deuxième tour de l'élection présidentielle du 21 août."
Le président nouvellement élu Jorge Carlos Fonseca devra, à son tour, s’efforcer de maintenir cette tradition démocratique, vieille de 20 ans. Dans un continent africain plutôt caractérisé par des dirigeants prêts à tout pour s'accrocher au pouvoir, l'effort serait plus que louable.