Autrefois exclusivement militaire, le marché des images satellite s'ouvre au privé. Les entreprises capables de fournir ces clichés de la Terre vu du ciel se livrent une véritable bataille dans la course à l’innovation technologique. Le Journal de l’Intelligence Economique d'Ali Laïdi revient sur un marché évalué à plusieurs milliards de dollars !
Aujourd’hui, plus besoin d’être une agence de renseignement ou même un corps d’armée pour bénéficier des milliers de clichés que prennent quotidiennement les satellites qui gravitent au dessus de la planète. Les applications civiles de ces images satellites sont toujours plus nombreuses, comme par exemple dans l’agriculture, l’urbanisme, l’humanitaire ou la logistique.
Au printemps 2011, au Centre Européen de l’Imagerie Satellite, à Madrid, des experts analysaient ainsi des clichés spatiaux des grandes capitales arabes. Il s’agissait de préparer, pour le compte de l’Union Européenne, d’éventuels plans d’évacuations des ressortissants européens en cas de dérapage des révolutions arabes.
C’est ce qu’on appelle la Géo-information. Un service dont l’Union Européenne est très consommatrice, notamment dans sa politique de défense et de sécurité. Mais pour le directeur du centre, Tomaz Lovrencic, il y a dorénavant d’autres clients que les Etats ou les institutions : "Le secteur commercial fournit un nombre de services extrêmement important, et nous sommes très heureux qu’au cours de ces dernières années, l’offre et la demande ait toujours été croissant. Et je pense que ce n’est que le début !".
Au siège d’Astrium à Toulouse, le directeur technique d’Astrium Géo-Information, Philippe Delclaux, attribue l’essor de ce marché en partie au succès de Google Earth : "c’est un phénomène qui, en 2005, a sensibilisé beaucoup d'acteurs privés à cette information géographique et surtout à la richesse qu’elle pouvait contenir".
Pour répondre à cette demande, des opérateurs comme Astrium Géo-Information diversifient leurs activités. Ils veulent être prêts à répondre à une demande croissante des entreprises comme des particuliers dans les domaines les plus variés : du génie civil à la géologie en passant l’exploration pétrolière et l’agriculture.
Pour Henri Douche, Chef de projet Agriculture chez Astrium GEO-Information "si il y a un développement de ces services, c'est parce qu'il y a une rentabilité économique pour l’investisseur". Qui dit technologie rentable dit profit pour les fournisseurs d’images spatiales. Et ils sont de plus en plus nombreux, note Gérard Brachet, consultant en politique spatiale et président de l’académie de l’air et de l’espace.
Les principaux opérateurs sont américains, mais les sociétés européennes, comme Astrium Géo-Information, sont assez bien positionnées dans la bataille pour gagner des marchés, explique Gérard Brachet. "Avec les programmes SPOT successifs, nous disposons en Europe d’atouts très sérieux et la crédibilité du service rendu est très bien établie", poursuit-il.
La concurrence internationale est pourtant rude. Les deux principales sociétés américaines (Digital Globe et GeoEye) bénéficient de contrat de longue durée avec le Pentagone : "l'approvisionnement du département de la défense américaine en imagerie leur permet d’avoir un business déjà consolidé, qui se suffit à lui-même", déplore Gérard Brachet.
Mais il reste de la place pour la concurrence. L’opérateur israélien, ImagSat International, est "à la pointe de la technologie", estime Gérard Brachet. Le Brésil et la Chine entretiennent quant à eux un programme de coopération spatiale. Pas de quoi concurrencer les opérateurs les plus performants cependant : Brésil et Chine sont des acteurs relativement récents dans les activités spatiales. En plus de ne pas avoir encore atteint les standards internationaux en termes de qualité d’image, ils fournissent une partie des données gratuitement ! Histoire de se faire connaître avant de partir à la conquête des grands marchés !