
Les dirigeants européens semblent avoir réussi à mettre sur la table les moyens nécessaires pour sauver la Grèce et rassurer les marchés. De quoi satisfaire tous les acteurs de la crise… à une exception près.
Au lendemain de l’adoption d’un deuxième plan d’aide à la Grèce d’un montant de 160 milliards d’euros par les 17 membres de la zone euro, les marchés financiers européens repartent à la hausse et Athènes, comme les dirigeants européens et le Fonds monétaire international (FMI), affichent tous une mine réjouie. Comme si l’accord auquel ces différents acteurs sont parvenus jeudi soir, au terme de sept heures de négociations, avait réussi l’exploit de contenter tout le monde… Tel est le cas ou presque.
Principale concernée par le plan, la Grèce a assurément de quoi être satisfaite. "C’est un plan qui va nous ôter un poids certain des épaules", s’est ainsi félicité jeudi soir Georges Papandreou, le Premier ministre grec. "C’est Noël avant l’heure pour les Grecs", remarque pour sa part Tom Kirchmaier, économiste à la London School of Economics, interrogé par FRANCE 24. Le pays, qui semblait il y a quelque jours encore promis à une banqueroute inévitable, a en effet reçu l’assurance de recevoir de nouveaux prêts du Fonds européen de stabilité financière (FESF) et du FMI d’un montant de 107 milliards d’euros, et devrait également profiter d’une sorte de plan Marshall destiné à relancer son économie. "Pour la première fois, les dirigeants européens ne se sont pas contentés d’insister sur des sacrifices mais ont aussi évoqué la nécessité d’investir pour sortir le pays de la crise", relève encore Julia Cagé, économiste à l’École d’économie de Paris. Reste à en connaître les contours, concède-t-elle.
Le secteur privé s’en tire bien
Les autres compagnons d’infortune de la Grèce – l’Irlande et le Portugal – ont eux aussi reçu le cadeau qu’ils attendaient depuis longtemps : une baisse des taux d’intérêt sur les prêts que leur ont consenti le FMI et l’Europe, ramenés de 4,5 % à 3,5 %. "Une sacrée bouffée d’oxygène" pour leur finances publiques, confirme Julia Cagé.
Mais, cet ambitieux plan de sauvetage est surtout un "triomphe pour les politiciens et les dirigeants européens", estime Tom Kirchmaier. Ils ont réussi à mettre en place un dispositif qui va dans le bon sens en évitant l’écueil d’un plan technique a minima qui n’aurait fait que "repousser le problème", renchérit Julia Cagé. Ils se sont même entendus pour impliquer le secteur privé, ce qui n’était pas gagné d’avance. Plusieurs pays, dont la France, avaient montré de sérieuses réticences à la participation des banques et des investisseurs privés au plan de sauvetage de la Grèce.
Même ces derniers, pour la première fois appelés au chevet d’un pays en difficulté, tirent leur épingle du jeu. "Qu’on ne s’y trompe pas, le secteur privé s’en sort très bien même s’il va devoir mettre la main à la poche", poursuit Julia Cagé. Leur contribution, qui s’élève à 37 milliards d’euros, est entièrement volontaire et "rien ne leur a été imposé", remarque l’économiste française. "L'accord est très honnête pour le secteur privé", dit en souriant Tom Kirchmaier. D’ailleurs les bourses européennes ne s’y sont pas trompées puisqu’elles étaient toutes orientées à la hausse vendredi à l’ouverture… jusqu’à plus de 3 % à Milan.
Reste qu’il manque une voix dans ce concert des gens heureux. Jean-Claude Trichet, le patron de la Banque centrale européenne (BCE), a dû admettre que son point de vue n’avait pas été pris en compte dans l’accord final adopté à Bruxelles. Il a dû reconnaître que la possibilité d’un défaut de paiement - même partiel - de la Grèce n’était plus exclu. Une option qu’il a pourtant combattu pendant des semaines. "Nous faisons valoir nos arguments, nous ne sommes pas toujours entendus", a-t-il reconnu jeudi soir après l’annonce de l’accord sur le plan de sauvetage de la Grèce. "Si Jean-Claude Trichet ne prenait pas bientôt sa retraite, il aurait dû démissionner hier", souligne Tom Kirchmaier.
Le bonheur n’est pourtant pas encore tout à fait dans le pré de la zone euro. "Nous avons gagné une bataille mais pas la guerre", avertit ainsi Tom Kirchmaier. Le risque est que les agences de notation, certes rassurées sur le cas grec, accentuent leur pression sur des économies autrement plus importantes comme l’Italie et l’Espagne, auquel cas "un plan de sauvetage serait beaucoup plus coûteux", rappelle Julia Cagé.