Les révélations sur les pratiques illégales de trois journaux du groupe News Corp. remettent en question la ligne éditoriale inspirée par le magnat australo-américain. Une marque de fabrique controversée sur laquelle il a pourtant bâti sa fortune.
Rupert Murdoch en personne s’est rendu, dimanche, à Londres pour gérer la crise des écoutes téléphonique illégales qui éclabousse les titres britanniques de son empire médiatique. Le "Sunday Times" et le "Sun", deux journaux appartenant au conglomérat News Corp., que dirige le magnat australo-américain, auraient également utilisé des méthodes illégales pour enquêter sur l'ex-Premier ministre Gordon Brown et sur la famille royale britannique.
Ces révélations, publiées mardi dans plusieurs médias, interviennent deux jours après la fermeture définitive de "News of the World", accusé d'avoir piraté les messageries téléphoniques de milliers de célébrités ainsi que de victimes de crimes, et d'avoir payé des policiers-informateurs pour alimenter ses sulfureux scoops.
Un scandale politico-médiatique qui a fini par contrarier l'un de ses plus grands projets : le rachat, controversé, de la totalité du bouquet de chaînes par satellite BSkyB. Une étape qui aurait permis au vieux "tycoon" d'étendre davantage son empire au Royaume-Uni.
Un empire construit sur du sensationnel
Le vieux “tycoon”, aux affaires depuis près de 60 ans, prépare depuis un moment sa relève dans un style dynastique.
En 2005, Rupert Murdoch nommait sa femme Wendi Deng conseillère spéciale de MySpace en Chine, avant de revendre le site communautaire. Récemment, James Murdoch, 39 ans, le fils cadet de son deuxième mariage, jusqu’à lors responsable des opérations en Europe et en Asie, s’est vu propulsé président directeur général de la division internationale du conglomérat paternel. L’aîné Lachlan, lui, avait démissionné de son poste de directeur adjoint du News Corp. depuis 2005 pour des “raisons personnelles”
Qu’à cela ne tienne, le père poursuit le rassemblement des membres de la dynastie. Février 2011, l'une de ses filles, Elisabeth, revient au bercail après le rachat par News Corp. - pour près de 480 millions d’euros - de Shine Group, la société britannique de production de télévision qu'elle dirigeait jusqu'alors. Il faudra attendre sans doute la fin des péripéties des écoutes téléphoniques pour voir se poursuivre ce processus de la restructuration chez les Murdoch.
À 80 ans, Rupert Murdoch demeure à la tête de News Corp., l’un des premiers groupes médiatiques au monde, qu’il a réussi à bâtir à partir d’"Adelaide News", un petit journal australien hérité de son père en 1952. Le jeune universitaire, à peine sorti d’Oxford, où il a étudié le journalisme, s’érige vite en grand entrepreneur, dont la philosophie se résume en une phrase : “pour vendre plus de papier, il faut toucher les masses et, pour toucher les masses, il faut leur donner ce qu'elles veulent : du sensationnel”. C’est la naissance du journalisme selon Murdoch.
Histoires fomentées de toute pièce, scoops invraisemblables, titres racoleurs à l’extrême... La recette paye rapidement. En seulement trois ans, le tirage quadruple et le canard conquiert toute l’Australie. Mais le patron de presse voit plus grand. Et part à la conquête du monde. En 1968, le magnat australien fait son entrée dans le paysage médiatique britannique. Il reprend "News of the World" à la famille Carr et rachète le "Sun" l’année suivante, puis le "Times" en 1981.
L’expansion de News Corp. ne s’arrête pas là. En dehors de la presse, le groupe s’ouvre à d’autres médias. Aux journaux et tabloïds rachetés un peu partout dans le monde s’ajoutent des télévisions câblées ou sur satellite. L’Asie et l’Amérique n'échappent pas à son emprise. C’est d’ailleurs aux États-Unis que l’homme d’affaires tient sa plus grande société, la Fox Broadcasting Company en plus d'un réseau de 21 chaînes nationales et internationales et 27 chaînes locales. Aujourd’hui, l’empire Murdoch est présent sur tous les supports médiatiques (voir l’infographie ci-dessous) et emploie des milliers de personnes à travers le monde, malgré des critiques acerbes sur sa ligne éditoriale et sur son orientation ultra-conservatrice.
Avec une fortune estimée à 7 milliards de dollars, l’homme d’affaires australo-américain - il a acquis la nationalité américaine en 1985 - occupe la 122e place dans le classement "Forbes" des hommes les plus riches de la planète.