Devant la presse, et alors que son ancien directeur de la communication Andy Coulson était interpellé par la police, le Premier ministre britannique a promis de lancer une vaste enquête sur les relations entre la presse, la police et les politiques.
La pression s’accroît sur les épaules du Premier ministre britannique David Cameron, l’homme politique le plus exposé dans l’affaire des écoutes illégales pratiquées par News of the World. Son ancien directeur de la communication au 10 Downing Street, Andy Coulson, a été arrêté par la police ce vendredi. Ce dernier est soupçonné d'avoir été impliqué dans des "écoutes téléphoniques illégales" et dans des affaires de "corruption" à l'époque où il occupait le poste de rédacteur en chef de l'hebdomadaire News of the World, indique le communiqué de la police.
Andy Coulson a travaillé comme mon directeur de la Communication durant quatre ans. Il a quitté ce poste (en janvier 2011, NDLR) en raison de ce qui s’était passé sous sa direction (à la tête de la rédaction de NOTW de 2003 à 2007). J’avais décidé de lui donné une seconde chance, et personne n’a jamais émis de doute sérieux sur le travail qu’il a effectué pour moi. Mais cette seconde chance n’a pas été concluante et il a dû de nouveau quitter son poste en raison de cette affaire. La decision de l’embaucher a été la mienne, et uniquement la mienne. J’en prends l’entière responsabilité.
David Cameron, Premier ministre britannique
L’arrestation d’Andy Coulson est intervenue à la fin de la conférence de presse de David Cameron. Le chef du gouvernement venait précisément de prendre ses responsabilités devant les journalistes : "La vérité est que nous sommes tous concernés : la presse, les hommes politiques, les dirigeants des partis - et je m'inclus dans ce nombre. Nous n'avons pas pris cette affaire à bras le corps". "L’interpellation d’Andy Coulson a coïncidé avec la conférence de presse, qui a été convoquée très rapidement… Je ne pense pas que ce soit un hasard", estime Bénédicte Paviot, correspondante de France 24 à Londres. Il a été mis en liberté conditionnelle vendredi dans la soirée.
Andy Coulson était rédacteur en chef de News of The World de 2003 à 2007. Il affirme n'avoir rien connu des pratiques d’écoutes téléphoniques illégales, qui ont pourtant concerné pas moins de 4 000 personnes, dont des hommes politiques, des membres de la famille royale et des célébrités. Ces dernières semaines, la révélation de l’extension de ces pratiques journalistiques sulfureuses à des proches de fillettes assassinées et de soldats tués en Irak et en Afghanistan a suscité l'indignation. Rupert Murdoch, le magnat américano-australien de la presse, a décidé jeudi de fermer le tabloïd. La dernière édition du journal est prévue pour ce dimanche, mettant un terme à 168 ans de parution.
Cameron avait donné une "seconde chance" à Coulson
Pressé par les journalistes de savoir s’il regrettait d’avoir fait appel à Andy Coulson pour diriger sa communication, au début de son mandat de Premier ministre, David Cameron s’est maintes fois justifié. Coulson venait de payer pour l’affaire des écoutes téléphoniques en quittant News of the World, rappelle le Premier ministre, et "je lui ai donné une seconde chance. Les Britanniques devront juger si j’ai eu tort ou pas de lui accorder cette seconde chance."
"Cameron ne s’est pas excusé de l’avoir embauché, il a même fait des compliments sur Andy Coulson", note Sophie Loussouarn, spécialiste de l’histoire politique et économique du Royaume-Uni, enseignante à l’Université de Paris III-Sorbonne Nouvelle et auteure d’une biographie consacrée au chef du gouvernement britannique ("David Cameron, un conservateur du XXIe siècle", éd. Seguier, juillet 2010). "En assumant son amitié avec Andy Coulson, et en appelant à une réglementation des rapports entre la presse et la sphère politique, David Cameron prend la mesure de l’affaire. Il a même été jusqu’à comparer cette crise à celle des notes de frais, poursuit Sophie Loussouarn. Je ne pense pas que l’affaire aura des répercussions sur son mandat de Premier ministre, ou sur ses réformes."
Le précédent Campbell
Même handicapé par son amitié avec Andy Coulson et avec le patron de presse Rupert Murdoch, David Cameron parvient à sortir de l’exercice par le haut. Il renvoie à une responsabilité générale de la presse et des politiques, dont les relations sont devenues "parfois trop proches, trop confortables". "David Cameron s’attaque clairement aux pratiques en vigueur sous le mandat de Tony Blair, qui a d’ailleurs été soutenu par Rupert Murdoch, jusqu’à ce que n’éclate le scandale des décorations et des notes de frais", analyse Sophie Loussouarn.
David Cameron a donc promis une grande enquête publique qui fasse la lumière sur les rapports entre police, presse et politique, ainsi qu’une réglementation de ces rapports. Et pour désamorcer totalement la bombe, il a laissé entrevoir, ce vendredi, une mise en œuvre directe de ses grandes promesses : le report de la décision d’accorder à News Corp., propriété de Murdoch, le rachat du bouquet satellitaire BSkyB. Ce qui aurait encore renforcé la mainmise du magnat de la presse sur l’espace médiatique britannique.