Professeur à l'Université de Paris-Sud 11 en économie du sport, Michel Desbordes analyse les raisons de la défaite de la candidature d'Annecy-2018 face à la ville coréenne de Pyeongchang. Pour lui, Annecy n'a jamais fait le poids.
La défaite d’Annecy-2018 a un goût amer. Non seulement la candidature française n’a pas obtenu l’organisation des Jeux olympiques d’hiver 2018, remportée au premier tour par Pyeongchang, mais elle n’a obtenu que 7 voix sur 95. Un désaveu record que seule la candidature de Québec pour les Jeux de 2002 détenait jusqu’ici. Michel Desbordes, professeur d’économie du sport à l’Université Paris Sud-11 et co-auteur de "Marketing du sport" (éditions Economica) revient sur ce cinglant revers.
FRANCE 24 : Une défaite aussi sévère de la candidature d’Annecy-2018 était-elle prévisible ?
Michel Desbordes : Sa défaite était prévisible car les éléments à charge étaient nombreux. L’alternance des continents, règle non-écrite mise en place par le CIO, a joué contre Annecy. Munich aussi en a fait les frais car la candidature allemande, je le rappelle, n’a reçu que 25 voix. Cela fait longtemps que l’Europe et l’Amérique ne sont plus le centre du monde. C’est donc normal que les Jeux d’hiver retournent en Asie.
Par contre, le fait qu’elle ait récolté si peu de voix est inquiétant. Qu’on soit d’accord ou en désaccord avec les critères de sélection du CIO, il faut en tenir compte. La candidature française n’était pas à la hauteur des attentes. Chamonix (village annexe d’Annecy-2018, NDLR) est un charmant village mais n’a plus rien à voir avec les JO modernes qui demandent de construire des aéroports internationaux, de grands hôtels, des modes de transport modernes…
Le CIO ne veut prendre aucun risque du point de vue économique. La rentabilité des JO est très importante pour que d’autres candidatures voient le jour dans le futur : il ne faut donc aucune fausse note. Il y a un an, lors d’une visite officielle en France, les membres du CIO avaient été déçus par les installations savoyardes qu’ils avaient notées sévèrement. Je pense qu’Annecy aurait dû se retirer à ce moment là.
Après l'échec des candidatures pour les Jeux d'été de Lille-2004, Paris-2008 et 2012, c’est la quatrième bataille perdue pour l’organisation d’une Olympiade en France. L'Hexagone a-t-il perdu la guerre ?
M.D. : Si Annecy n’a pu récolter que si peu de voix, c’est aussi parce que la France n’est plus aussi influente qu’auparavant sur certains membres du CIO, notamment les Africains. Les JO sont révélateurs de l’influence d’un pays sur la scène internationale. En Afrique francophone, cela fait un certain temps que ce sont les Chinois qui investissent le plus.
Mais c’est aussi une question d’attitude. La Corée ou le Brésil sont des pays émergents avec des attitudes très combatives, très décidées. Derrière la candidature de Pyeongchang, il y avait l’empire Samsung. Lorsqu’une société comme celle-ci promet de créer des milliers d’emplois dans une région du monde avec en un vote filigrane, ce n’est pas de la corruption, c’est du lobbying efficace.
La candidature de Paris-2024 pourrait se profiler. Dans ces conditions, a-t-elle une chance de l’emporter ?
M.D. : Si on se base sur des critères purement structurels, Paris a toutes ses chances. En 2008, face à Londres, la ville s’était inclinée de très peu. Contrairement au baccalauréat, l’organisation des JO se gagne après plusieurs tentatives, comme l’a fait Pyeongchang.
Mais si Rome remporte les JO-2020 (la décision sera rendue en septembre 2013, NDLR), à cause de l'alternance des continents, alors ce sera cuit pour Paris en 2024.