La première chaîne de télévision française a été condamnée à verser près de 32 millions d'euros au réalisateur américain Spike Lee pour ne pas avoir commercialisé l'un de ses films, comme elle s'y était engagée contractuellement.
AFP - TF1 Droits audiovisuels a été condamnée par le tribunal de grande instance de Paris à payer près de 32 millions d'euros pour n'avoir pas respecté ses engagements contractuels visant à commercialiser un film de Spike Lee, selon un jugement consulté mercredi par l'AFP.
Dans un communiqué, la chaîne a indiqué qu'elle envisageait de faire appel.
En septembre 2008 sort sur les écrans américains un film réalisé par Spike Lee et intitulé "Miracle at Santa Anna", adapté du livre éponyme de James McBride, également co-scénariste du long-métrage.
Le film, qui ne fait pas beaucoup d'entrées outre-Atlantique, raconte comment durant la Seconde Guerre mondiale, en Toscane, une escouade exclusivement composée de soldats noirs américains est encerclée dans un village italien.
Alors que le film devait ensuite tourner dans le monde entier, il limitera son destin international à Rome et Toronto, et ce par la faute de TF1 Droits audiovisuels (TF1 D.A.), anciennement TF1 International, la branche distribution de TF1.
En effet, le 16 octobre 2007, via ce qu'on appelle un "deal memo", la société On My Own accorde à TF1 International le droit exclusif d'exploiter et de distribuer "Miracle at Santa Anna" dans le monde entier, à l'exception des Etats-Unis, du Canada et de l'Italie. En contrepartie, TF1 International s'engage à verser une avance de 11 millions de dollars à On My Own.
Mais un an plus tard, alors que le film arrive en phase finale, TF1 International suspend l'exploitation et la distribution du long-métrage, estimant que la version qu'on lui propose n'est pas conforme à ce qu'on lui avait promis.
Alors que On My Own lui réclame le paiement des 11 M USD, TF1 International engage une action afin de résilier le "deal memo" et réclame l'indemnisation de son préjudice.
Scandalisés par cette attitude, Spike Lee et On My Own assignent à leur tour TF1 International, devenue TF1 D.A., devant le TGI de Paris début 2009.
Dans une décision rendue le 21 juin, la 3e chambre civile leur a donné raison. A ses yeux, "aucun manquement contractuel ne peut être invoqué à l'encontre de la société On my Own et la société TF1 International ne pouvait valablement refuser la livraison du film".
Pour le tribunal, TF1 International "a manqué à ses obligations contractuelles" et résilié le deal memo à "ses torts exclusifs".
"Il convient donc", concluent les magistrats, "de condamner TF1 D.A. à payer à la société On My Own la somme de 20 millions d'euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier".
Car, comme le souligne un expert cité par le jugement, l'arrêt par TF1 International de son activité de distribution a eu des "conséquences calamiteuses" pour le film, celui-ci ne présentant "plus aucune valeur commerciale pour le producteur car il est précédé d'une réputation négative".
Outre ces 20 millions d'euros, TF1 D.A. devra verser 2,7 millions d'euros pour préjudice moral: un million d'euros à On My Own, un million et demi d'euros à Spike Lee, "privé du bénéfice de l'exploitation de son oeuvre sur des territoires majeurs (...) et (qui) voit sa réputation entachée", et 200.000 euros à James Mc Bride.
Enfin, le groupe français devra payer les 11 M USD non versés à BNP Paribas, grossis de certains frais, soit un total de 13 M USD (9 M EUR) et faire état de sa condamnation dans la presse.
"TF1 Droits Audiovisuels envisage de faire appel de ce jugement, tant en raison des fondements de cette décision que du niveau des dommages et intérêts alloués", a réagi la chaîne dans un communiqué, arguant que le préjudice retenu apparait "manifestement disproportionné au regard des performances du film, notamment sur le marché américain dont les entrées salles n’ont généré que 5,5 millions d’euros de recettes".
"Cette décision de justice ne modifie pas significativement l’appréciation globale du risque, déjà prise en compte par le groupe TF1", précise par ailleurs la chaîne privée.