Alors qu'elle a gardé le silence depuis le début de l'affaire du Sofitel de New York, la journaliste française, Tristane Banon, qui accuse Dominique Strauss-Kahn d'avoir tenté de la violer en 2003, a porté plainte ce mardi contre l'ex-patron du FMI.
Tristane Banon a hésité pendant plus de huit ans. Huit ans pendant lesquels Dominique Strauss-Kahn a "tenu les rênes de sa vie", comme elle l’a déclaré dans une interview exclusive à sortir ce mardi dans les colonnes du journal L’Express. Huit ans "d’enfer" auxquels elle a décidé de mettre un terme.
La journaliste et écrivain de 32 ans a adressé, ce mardi, au parquet de Paris une plainte visant DSK pour tentative de viol dans un appartement parisien en 2003 alors que l’affaire de New York se dégonfle. "Elle va être instruite et je tiens à vous signaler que, dans l'hypothèse où M. Dominique Strauss-Kahn viendrait à ne pas comparaître devant une cour d'assises, nous saurions alors à quoi nous en tenir quant au traitement judiciaire de ce type d'affaires en France", a déclaré son avocat, Me David Koubbi.
Interrogé auparavant par l'AFPTV, ce dernier a expliqué que Tristane Banon avait pris cette décision parce que "lorsqu'en France ou ailleurs, vous êtes victime d'une tentative de viol, il faut déposer plainte."
Il affirme par ailleurs que les derniers rebondissements dans le volet new-yorkais de l'affaire DSK n’ont pas de liens directs avec le dépôt de plainte de sa cliente aujourd’hui. Tristane Banon a déclaré à l’Express qu’elle envisageait cette option depuis le 15 mai et qu’elle s’est décidée à la mi-juin.
"L’autre femme"
Depuis le début de l’affaire du Sofitel, le nom de Tristane Banon est sur toutes les lèvres. Elle est "l’autre femme" qui dit avoir subi une agression sexuelle de la part de l’ancien directeur du FMI. Pourtant, on ne l’entendait pas. Traquée par l’ensemble des médias internationaux, elle ne s'est pas prononcée une seule fois depuis la plainte de Nafissatou Diallo. Un choix délibéré pour ne pas être associée à la présumée victime et plaignante américano-guinéenne.
it
"Depuis le 14 mai, on décide de ce que veut dire mon silence, on interprète chaque mot de mon avocat sans même l’écouter. On n’a pas non plus compris que je ne vienne pas soutenir Nafissatou Dialo sur les plateaux télé. Je n’ai pas voulu commenter car je ne sais rien de son cas", se justifie-t-elle toujours dans l’Express.
"En 2007 elle raconte sur un plateau de télévision qu'un homme politique a tenté de la violer".
Accablée par son propre silence, elle s’est pourtant décidée à sortir de l’ombre par la voix de son avocat. Dans les colonnes de l’Express, Tristane Banon se justifie : "Je ne peux plus entendre dire que je suis une menteuse du fait que je ne dépose pas plainte."
"Aujourd’hui, de voir Strauss-Kahn libre, dîner dans un restaurant de luxe entre amis, ça me rend malade", avoue-t-elle.
"Chimpanzé en rut"
Tristane Banon a évoqué plusieurs fois son agression présumée par DSK. Elle fait ses premiers aveux publics lors d'une émission de Thierry Ardisson, diffusée sur la chaîne Paris Première en 2007. Elle lâche la bombe sur un ton badin, évoquant le "chimpanzé en rut" qui lui aurait sauté dessus, dans un appartement en 2003, au cours d’une interview pour les besoins d’un livre.
L’ancien ministre aurait tenté de dégrafer son soutien-gorge et de déboutonner son pantalon. Il se serait montré pressant au point qu’elle a dû se débattre en lui donnant des coups de pied.
Dans l’entretien à l’Express, elle donne plus de détails : "Je ne parle pas des détails sordides, de ses doigts dans ma bouche, de ses mains dans ma culotte après m’avoir fait sauté le jean et le soutien-gorge, sous mon col roulé noir… "
Le nom de DSK est bipé par la production de l'émission "93, Faubourg St Honoré" et l’affaire ne fait à ce moment-là peu de bruit. Ce n'est qu'en 2008, au moment du scandale révélé par le Wall Street Journal sur la liaison entre l’ancien directeur du FMI avec une économiste hongroise Piroska Nagy, que Tristane Banon donne le nom de son agresseur présumé. Elle confirme en octobre 2008 sur le site de journalisme citoyen, Agora Vox, qu’elle parlait bien de DSK dans l’émission de Thierry Ardisson.
L’AFP publie aussitôt une dépêche où DSK, alors directeur général du Fonds monétaire international (FMI), annonce "avoir mandaté son avocat afin de "poursuivre judiciairement avec détermination" ceux qui relaieraient "des rumeurs malveillantes" le concernant".
La jeune journaliste refuse de porter plainte, dissuadée notamment par sa mère, Anne Mansouret, conseillère régionale PS, qui dit aujourd’hui "regretter" d’avoir débouté sa fille.
Tentative de viol ou agression sexuelle ?
La justice va désormais devoir qualifier ces accusations : s’agirait-il d’une tentative de viol, comme l’affirme Me Koubbi, ou bien d’une agression sexuelle ? Sur un plan juridique, la prescription en matière de tentative de viol est de 10 ans . Ce crime est théoriquement passible de quinze ans de réclusion, mais difficile à démontrer des années après les faits. En revanche, elle n’est que de trois ans en matière d’agression sexuelle . Dans ce cas, si cette qualification était retenue, les faits présumés seraient donc prescrits.
Les avocats de Dominique Strauss-Kahn ont immédiatement riposté en menaçant de porter plainte à leur tour contre Tristane Banon pour "dénonciation calomnieuse".