Les premiers sondages sortis des urnes indiquent que le parti d'opposition Puea Thai remporterait le scrutin législatif. Ce parti est dirigé en sous-main par l'ancien chef de gouvernement Thaksin Shinawatra, renversé par un coup d'État en 2006.
AFP - La Thaïlande a voté massivement dimanche pour l'opposition proche de l'ex-Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, selon les premiers sondages sortis des urnes qui lui attribuent la majorité absolue dans la prochaine assemblée nationale.
Le Puea Thai, dont la campagne était menée par la petite soeur du milliardaire, Yingluck Shinawatra, obtiendrait 313 sièges sur les 500 que compte l'assemblée, selon un sondage de l'université Suan Dusit, publié à la fermeture des bureaux de vote à 15H00 (08H00 GMT).
Le Parti démocrate du Premier ministre Abhisit Vejjajiva, son principal adversaire, ne disposerait que de 152 députés. D'autres instituts donnaient des marges comparables entre les deux formations, qui étaient considérées comme au coude-à-coude il y a encore un mois.
Les premiers résultats sont attendus vers 21H00, mais déjà au siège du Puea Thaï, les militants célébraient la victoire en criant "Yingluck numéro un", "Yingluck Premier ministre".
Les Démocrates ont pour leur part refusé de commenter les sondages.
Si la logique est respectée, Yingluck, photogénique femme d'affaires de 44 ans, devrait devenir la première femme Premier ministre de l'Histoire de la Thaïlande.
Le duel entre les deux partis marque la ligne de fracture entre les élites de la capitale - hauts fonctionnaires, magistrats, militaires, palais royal -, qui avaient porté Abhisit au pouvoir fin 2008, et les masses rurales et urbaines défavorisées, dont beaucoup considèrent Thaksin comme un héros.
Ces estimations dépassent de loin les sondages pré-électoraux, qui avaient prédit une victoire assez serrée du Puea Thai.
Yingluck, que Thaksin a décrite comme son "clone", n'avait aucune expérience lorsqu'elle a été propulsée sur la scène politique il y a moins de deux mois.
Ce scrutin, comme les trois précédents, s'apparentait à un référendum pour ou contre son frère. Alors que le Puea Thai a évoqué une amnistie pour tous les hommes politiques condamnés, dont lui, les Démocrates ont crié au scandale.
"Il est temps de se débarrasser du poison Thaksin", a notamment lancé Abhisit.
Mais le Puea Thai prendrait des risques importants en faisant revenir un homme haï des élites et de l'armée, qui voient en lui une menace pour la monarchie.
"S'il pose un pied en Thaïlande, l'armée pourrait l'accuser (...) d'essayer de créer de la désunion parmi les Thaïlandais", a estimé Pavin Chachavalpongpun, de l'Institut d'études sur l'Asie du Sud-Est à Singapour, évoquant alors une "riposte" de la part des militaires.
Dans un pays qui a connu 18 coups d'Etat ou tentatives depuis 1932, l'armée est en effet soupçonnée de vouloir s'immiscer dans le processus électoral. Et malgré ses multiples dénégations, son puissant chef Prayut Chan-O-Cha, qui a appelé à voter pour les "bonnes personnes", n'a pas réussi à complètement apaiser les rumeurs de putsch.
Thaksin et ses alliés ont remporté toutes les élections depuis 2001. Mais ils ont été chassés du pouvoir par les militaires en 2006, puis à deux reprises par la justice en 2008, permettant l'arrivée au pouvoir d'Abhisit à la tête d'une coalition de six partis.
Le milliardaire vit en exil pour échapper à une condamnation à deux ans de prison pour malversations financières. La moitié de sa fortune a été saisie l'an dernier. Il est également poursuivi pour terrorisme pour son soutien présumé aux manifestations du printemps 2010.
Jusqu'à 100.000 "chemises rouges", pour la plupart fidèles à l'ancien magnat des télécommunications, avaient alors occupé le centre de Bangkok pendant deux mois pour réclamer la démission d'Abhisit, avant d'être délogés par l'armée au terme de plusieurs jours de guérilla urbaine.
La crise, la plus grave qu'ait connu la Thaïlande moderne, avait fait plus de 90 morts et 1.900 blessés.
Cette probable victoire écrasante du Puea Thai n'écarte pas les risques de troubles dans le pays. Les analystes s'attendaient en effet à de nouvelles violences, quels que soient les résultats de ces élections.