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Le ministre libanais de l’Intérieur a confirmé, ce vendredi, les noms des quatre suspects proches du Hezbollah visés par le tribunal chargé de juger les assassins de Rafic Hariri. Le Liban dispose de 30 jours pour les arrêter.

Mustapha Badreddine, Salim al-Ayyash, Hassan Issa et Asaad Sabra. Telle est l'identité des quatre hommes accusés par le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) d'être impliqués dans l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Plusieurs médias libanais avaient cité leurs noms, jeudi, avant que le ministre de l'Intérieur, Marwan Charbel, ne confirme leur identité à l'AFP, ce vendredi. Sans surprise, au moins deux d'entre eux seraient des proches du parti chiite Hezbollah.

Après des années d'enquête, le TSL a finalement remis jeudi, sous scellé, un acte d'accusation très attendu ainsi que quatre mandats d'arrêt à Saïd Mirza, procureur général à Beyrouth. Créé par les Nations unies à la demande du Liban en 2007, ce tribunal international a pour mission de juger les assassins de Rafic Hariri et de 22 autres personnes tuées dans l'explosion d'une voiture piégée, le 14 février 2005. Il a entamé ses travaux dans la banlieue de La Haye, aux Pays-Bas, le 1er mars 2009.

Dès médias libanais n'hésitaient pas à revenir sur le parcours des assassins présumés. Le principal suspect, Moustapha Badreddine, 50 ans, est le cousin et beau-frère d'Imad Moughniyé, un cadre du Hezbollah mystérieusement assassiné à Damas le 12 février 2008. Aujourd'hui, il aurait d'ailleurs remplacé celui-ci en tant que chef des opérations du parti chiite, dont il serait également membre du Conseil exécutif. "Selon l'acte d'accusation, Moustapha Badreddine a conçu et supervisé le plan visant à assassiner Rafic Hariri, alors que Salim al-Ayyache aurait dirigé la cellule chargée de mettre en œuvre l'exécution", précise le quotidien anglophone The Daily Star, qui indique avoir eu cette information par le biais d'une "source judiciaire".

Coopérera, coopérera pas ?

Salim al-Ayyache, 48 ans, pourrait détenir un passeport américain. Il est présenté comme un membre de la défense civile libanaise. Peu d'informations sont pour l'instant disponibles concernant les deux autres suspects.

Les quatre personnes visées par ces mandats d'arrêt sont de nationalité libanaise. Dans un premier temps, c'est toutefois Damas qui avait été montré du doigt dans l'attentat contre Rafic Hariri. Une implication que le régime de Bachar al-Assad a toujours niée... Jusqu'à ce que l'ancien Premier ministre et fils du dirigeant assassiné, Saad Hariri, présente ses excuses pour ces allégations : "Il s'agissait d'une accusation politique, et c'en est fini de cette accusation", a-t-il déclaré en septembre 2009. Le Hezbollah a, quant à lui, lui pointé la "piste israélienne".

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Assassinat de Rafic Hariri : quatre proches du Hezbollah dans le collimateur du TSL

Beyrouth dispose désormais d'un délai de 30 jours pour mettre en œuvre les mandats d'arrêt. Si les suspects ne sont pas arrêtés d'ici un mois, le TSL les convoquera lui-même devant le tribunal et rendra l'acte d'accusation public. Un scénario qui a de très fortes chances de se réaliser... "Quand des actes d'accusations seront publiés, le gouvernement libanais devra au moins arrêter les accusés - ce qu'il ne fera pas", affirmait le 15 juin le politologue Paul Salem, directeur du Centre Carnegie pour le Moyen-Orient à Beyrouth. "Le Premier ministre, Nagib Mikati, va essayer de naviguer entre la ligne de son gouvernement - qui ne veut pas coopérer avec le tribunal - et sa propre position - qui consiste à respecter les obligations du Liban et à ne pas se couper de la communauté internationale".

Ce jeudi, le chef du gouvernement libanais a affirmé la nécessité d'agir "de façon responsable et réaliste" après la remise de cet acte d'accusation. "Nous sommes concernés par la stabilité [du pays] et par la recherche de la vérité", a-t-il ajouté, rappelant qu'il ne s'agissait pour l'instant que "d'accusations", et non de "verdicts". Ce milliardaire sunnite a accédé au poste de Premier ministre grâce au soutien du Hezbollah et de ses alliés, le camp du 8-Mars, désormais majoritaire au sein du gouvernement. Le parti d'Hassan Nasrallah a provoqué la chute du cabinet de Saad Hariri en janvier, au motif que celui-ci continuait à coopérer avec le TSL.

Pour Saad Hariri, le moment est "historique"

En fin de journée jeudi, la chaîne de télévision du Hezbollah, Al-Manar, a indiqué que l'acte d'accusation prouvait que le tribunal était "politisé". Le parti s'attendait à voir certains de ses membres mis en cause et avait annoncé la couleur : "ceux qui pensent que la résistance acceptera toute accusation contre ses militants ou ses dirigeants se trompent. Ceux qui pensent que nous allons permettre l'arrestation d'un seul de nos djihadistes se trompent. Nous couperons la main qui se tendra vers un seul d'entre eux", a menacé Hassan Nasrallah en novembre 2010.

Du côté du camp du 14-Mars, on appelle aujourd'hui le gouvernement à assumer ses responsabilités. "Nous avons besoin d'une position claire et courageuse qui protège la justice", a indiqué dans un communiqué le Mouvement du futur de Saad Hariri. Celui-ci a parlé ce jeudi d'un "moment historique", après de "nombreuses années de patience et de combat". De son côté, le leader des Kataëb, Amine Gemayel, a dit redouter que l'acte d'accusation ne soit "vidé" de sa substance, sous couvert de paix civile. "Personne ne doit pouvoir échapper à la justice", a-t-il estimé.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a pour sa part répété son "fort soutien" au TSL, invitant "tous les États à soutenir le processus judiciaire indépendant".

La remise de cet acte d'accusation laisse en tout cas craindre l'aggravation des tensions, et éventuellement de nouvelles violences. "Si le Liban ne coopère pas avec le tribunal, il y aura sûrement davantage de difficultés", a indiqué sur FRANCE 24 Kattar Abou Diab, professeur de relations internationales à Paris.