
, correspondant à New York – Près de trois ans après avoir été nommé à la tête des opérations de maintien de la paix de l’ONU, le Français Alain Le Roy a décidé, pour des raisons personnelles, de ne pas poursuivre sa mission auprès du secrétaire général des Nations Unies.
Aucun diplomate des Nations Unies n’avait été dans cette position auparavant : le 4 avril dernier, conformément à la résolution du Conseil de sécurité et avec l'aval du secrétaire général Ban Ki-moon, Alain Le Roy a donné l’ordre à deux hélicoptères ukrainiens volant sous les couleurs de l’ONU de faire feu sur les armes lourdes que détenait encore le camp Gbagbo, en Côte d’Ivoire. “C’était une décision très lourde à prendre, admet Alain Le Roy. Mais une décision qui a changé le cours des choses”. L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo a pu être arrêté le lundi 11 avril 2011 à l'issue d'une offensive généralisée sur sa résidence d’Abidjan par les forces de son rival Alassane Ouattara, appuyées par des moyens militaires des forces françaises et de la mission des Nations Unies (Onuci).
En près de trois ans, le patron des casques bleus - secrétaire général adjoint chargé des opérations de maintien de la paix est son titre officiel - a supervisé le travail des forces onusiennes dans le cadre de quinze missions. De la guerre en République démocratique du Congo au conflit soudanais en passant par le tremblement de terre en Haïti ou encore la crise humanitaire au Darfour, “le mandat [d'Alain Leroy] a été comme une traversée de champs de mines. Il a réussi à manœuvrer sans dommages majeurs”, estime un observateur avisé de la mécanique onusienne.
Éviter la catastrophe
“Pragmatique”, “ouvert”, ou encore “attentif”, dit-on de lui, au sein des Nations Unies. “Mon obsession a été de ne pas répéter les erreurs commises par l'ONU dans les années 1990 au Rwanda ou encore en Bosnie”, confie Alain Le Roy dans un entretien accordé à France24.com, quelques heures après avoir annoncé son départ lundi à ses collaborateurs.
Le secrétaire général adjoint de l'ONU, qui quittera officiellement ses fonctions le 23 août prochain, dresse un bilan des opérations de maintien de la paix où, jusqu'à présent, le scénario du pire a pu être évité : “En janvier dernier, tout le monde prédisait que le référendum sur l'indépendance du Sud-Soudan n’aurait jamais lieu, et pourtant, nous l’avons fait." Alain Le Roy de poursuivre : "En Haïti, on a également évité la crise politique qui se profilait à l'occasion des élections présidentielles. Quant à la Côte d’Ivoire, je suis convaincu qu’on a échappé à un génocide.”
Cet ingénieur de formation, qui a notamment travaillé pour le groupe pétrolier Total, a commencé sa carrière diplomatique à Sarajevo en 1995, en qualité de coordinateur spécial adjoint des Nations Unies à Sarajevo. Il a ensuite travaillé en Mauritanie puis au Kosovo pour l'ONU, avant de rejoindre la Macedoine, où il a été nommé représentant spécial de l’Union européenne. En septembre 2007, il a été nommé ambassadeur de France chargé du projet d'Union de la Méditerranée avant de devenir patron des casques bleus en août 2008.
La bataille pour la succesion est ouverte
Dès l’année dernière, la rumeur courant dans les couloirs de l'ONU donnait Alain Leroy partant. “Il a parfois eu des relations difficiles avec l’entourage proche de Ban Ki-moon”, confie un de ses collaborateurs qui mentionne l’exemple de la Côte d’Ivoire où la mission des Nations Unies y est dirigée par un Coréen proche du secrétaire général des Nations Unies, Choi Young-jin. Ban Ki-moon a pourtant insisté pour qu’Alain Leroy reste à son poste au moins un an de plus.
C’est pour des raisons purement familiales, insiste le secrétaire général adjoint, qu’il a refusé de poursuivre à la tête des opérations de maintien de la paix. “J’ai imposé un rythme insensé à ma famille pendant trois ans, je ne pouvais pas leur demander un an de sacrifices en plus”. Agé de 58 ans, Alain Le Roy est le père de quatre enfants, âgés de 8 à 15 ans. En août 2011, toute la famille va retourner en France où le haut fonctionnaire doit retrouver son poste à la Cour des comptes.
En attendant, la bataille pour sa succession a d’ores et déjà commencé. La France va tenter de conserver ce poste très influent. Elle a soumis une liste de trois noms à Ban Ki-moon, qui va rencontrer ces candidats dans les prochaines semaines. Rien ne garantit que le poste reviendra de nouveau à un Français. Mais selon un diplomate occidental, “Ban Ki-moon a montré avec sa réelection à l’unanimité qu’il savait ménager les grandes puissances, et surtout les membres permanents du Conseil de sécurité”. Réponse attendue avant le mois d’août.