
Dominée par l'opposition républicaine, la Chambre des représentants américains a rejeté un texte autorisant l'intervention militaire en Libye. Le vote n'a toutefois qu'une valeur symbolique et ne mettra pas un terme aux opérations américaines.
AFP - La Chambre des représentants américaine a infligé vendredi un revers au président Barack Obama en rejetant un texte qui autorisait l'intervention militaire en Libye, dont l'administration s'est jusqu'à présent passée au grand dam de parlementaires des deux bords.
La Chambre, dominée par l'opposition républicaine, a rejeté le texte par 295 voix contre 123. La Maison Blanche a aussitôt fait part de sa déception, même si le vote n'a aucune chance de mettre un terme aux bombardements américains en Libye qui durent depuis plus de trois mois.
"Nous sommes déçus par ce vote, nous pensons que ce n'est pas le moment d'envoyer un tel message confus" quant aux intentions des Etats-Unis, a indiqué le porte-parole de la Maison Blanche Jay Carney. "Le destin du colonel Kadhafi est scellé. Ce n'est pas le moment de lâcher", a-t-il dit.
La colère des parlementaires américains a fait les délices du colonel Mouammar Kadhafi, qui leur a adressé il y a deux semaines une lettre dans laquelle il louait leur "sagesse (...) de discuter de ces problèmes".
C'est la première fois que la Chambre refuse une action militaire depuis avril 1999, lorsqu'elle avait voté contre l'intervention du président Bill Clinton au Kosovo.
Mi-février : Des manifestations contre le pouvoir de Kadhafi sont violemment réprimées à Benghazi. L’ONU évoque un millier de morts.
5 mars : Les insurgés créent le Conseil national de transition (CNT).
17 mars : Le Conseil de sécurité de l’ONU vote la résolution 1973 qui autorise les États à prendre "toutes les mesures nécessaires" pour protéger les civils de la répression des forces du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.
19 mars : La France et le Royaume-Uni bombardent la Libye avec l’aide d'une coalition de 10 pays.
27 mars : Le commandement des opérations est transféré à l’Otan.
1er juin : L'Otan prolonge sa mission jusqu'à fin septembre.
27 juin : La Cour pénale internationale (CPI) lance un mandat d'arrêt pour crimes contre l'humanité contre Kadhafi, son fils Seïf al-Islam et le chef des renseignements Abdallah Al-Senoussi.
15 juillet : Le groupe de contact, qui rassemble les pays de l'Otan et des puissances arabes, reconnaît désormais le CNT comme interlocuteur légitime.
28 juillet : Assassinat du général Younès, ancien kadhafiste devenu chef d'État-major de la rébellion.
11 août : L'Otan affirme que les pro-Kadhafi n'ont plus les moyens de "mener une offensive crédible".
14-15 août : Les rebelles prennent le contrôle de Zaouïah, Gariane et Sorman, trois villes clés de l'ouest du pays.
La loi oblige en principe l'administration à demander l'autorisation du Congrès pour engager des "hostilités" à l'étranger. Mais l'administration Obama a fait valoir qu'elle se contentait de soutenir l'action de l'Otan de façon limitée et que la notion "d'hostilités" ne s'appliquait donc pas à l'intervention en Libye.
Pas convaincus par cette argumentation, 70 alliés démocrates du président Obama ont rompu les rangs pour voter avec les républicains.
"N'avons-nous pas déjà suffisamment de guerres sur les bras?", s'est interrogé le démocrate Dennis Kucinich, qui a pris la tête de l'opposition à la guerre. "Cette guerre nous détourne des vrais problèmes. Notre économie défaillante exige l'attention totale du Congrès et du président".
"Le président se comporte comme un monarque absolu et nous devons y mettre un terme immédiatement si nous ne voulons pas devenir un empire plutôt qu'une république", a tonné son collègue démocrate Jerrold Nadler.
"Le président aurait dû nous solliciter avant, dès le début, pour permettre au Congrès de remplir ses obligations constitutionnelles", a déclaré un autre démocrate, John Garamendi.
Seuls huit républicains ont approuvé le texte. Ileana Ros-Lehtinen, présidente de la commission des Affaires étrangères, a assuré qu'elle ne voulait pas d'un retrait "dangereux" des opérations de l'Otan, mais critiqué la stratégie de l'administration. Elle s'est refusée à donner "la bénédiction" de l'assemblée à "un engagement militaire sans fin en vue et avec des objectifs vaguement définis".
Le chef de la minorité démocrate Steny Hoyer a vainement mis ses collègues en garde contre un rejet du texte.
"Le message qui sera adressé à Mouammar Kadhafi, à nos alliés de l'Otan et à tous les pays du monde, c'est que l'Amérique ne tient pas sa parole auprès de ses alliés", a-t-il plaidé.
Les représentants ont rejeté par 238 voix contre 180 une autre résolution qui aurait privé de financement les bombardements et les raids de drones menés dans le cadre des efforts de l'Otan. Ce texte aurait en fait constitué une approbation déguisée de l'intervention en Libye.