Pour Cédric Gründler, responsable du blog "lemarketingsportif.com", la crise que traverse le Stade Français découle, en partie, de l’obligation qu’ont les clubs de recruter au prix fort les meilleurs joueurs pour rester compétitifs.
Responsable du blog lemarketingsportif.com spécialisé dans le décryptage de l'économie du sport, Cédric Gründler affirme que les problèmes rencontrés par le Stade Français sont liés à la faillite de leur régie publicitaire mais aussi, de façon plus générale, à l'inflation de la masse salariale des joueurs engendrée par la professionnalisation du rugby.
FRANCE 24 : Comment se fait-il que le Stade Français, avec son histoire et la qualité de ses dirigeants, ne parvienne pas à se maintenir à flot financièrement ?
Cédric Gründler : Il y a deux raisons principales permettant d'expliquer la situation financière du Stade Français. Tout d'abord, l'accentuation du professionnalisme dans le rugby, qui oblige les clubs à payer les joueurs de plus en plus cher. L'obligation de résultats pour un club qui n'a plus disputé la Coupe d’Europe depuis deux ans et qui souffre d'une concurrence toujours plus grande dans le Top 14 l'a contraint à se renforcer avec des joueurs prestigieux mais onéreux.
Ensuite - et il s'agit du principal problème qu'il rencontre actuellement -, le Stade Français est victime du dépôt de bilan de la société Sportys, régie publicitaire et actionnaire minoritaire du club. Cette société, avec laquelle le club parisien était lié depuis 2005, était chargée de commercialiser la marque "Stade Français" sur différents supports. Or, l'agence n'a pas pu générer suffisamment de revenus pour s'acquitter des montants qu'elle s'était engagée à payer. Le manque à gagner pour le Stade Français est estimé à 5 millions ou 6 millions d'euros.
D'autres clubs sont-ils touchés par des problèmes de financement alors que, paradoxalement, l’intérêt médiatique pour le championnat de France de rugby augmente ?
C.G. : Beaucoup de clubs de rugby des trois premières divisions (Top 14, Pro D2 et Fédérale 1) sont touchés par des problèmes financiers. La Direction nationale d'aide et de contrôle de gestion (DNACG), l'organisme en charge de valider leurs comptes, les oblige à présenter un bilan financier équilibré pour pouvoir s'engager dans le championnat. Et de nombreux clubs ont déjà été sanctionnés : l'exemple le plus marquant est celui de Bourgoin, qui s'est vu retirer 5 points en janvier dernier. Une mesure qui a précipité sa rétrogradation en Pro D2... Au final, la "course à l'armement" à laquelle les clubs de l'élite se livrent plombe leur situation financière.
Cette difficulté est-elle propre au rugby ou touche-t-elle tous les sports ?
C.G. : Le problème rencontré par le Stade Français a également touché le Stade Reimois qui, à la suite d'une action en justice, a obtenu le paiement des 1,4 million d'euros que lui devait Sportys.
Mais, de façon plus générale, l'endettement que connait le rugby (le Stade Français bien sûr, mais également Bourgoin cette saison) est très présent dans le foot. Le déficit global des 20 clubs de Ligue 1 atteint 130 millions d'euros, et il semblerait que la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) serait prête à placer l'intégralité des clubs de l'élite sous recrutement contrôlé. Ces derniers devraient alors faire valider par l'instance chaque transfert effectué pour ne pas creuser leur déficit.
En fait, le problème de fond du sport professionnel est lié à sa trop grande dépendance aux droits télévisés (plus de 60 % des revenus pour le foot). Si ces derniers baissent, les clubs risquent de ne pas pouvoir combler le manque à gagner par la billetterie, la vente de produits dérivés ou le sponsoring. Il faut donc espérer que le renouvellement des stades dans la perspective de l'organisation de l'Euro 2016 de football en France et les projets de nouvelles enceintes du Racing Métro 92 et du Stade Français permettront d'attirer un public plus large et de rééquilibrer ainsi la balance financière des clubs.