![Le procès par contumace des Ben Ali s'ouvre à Tunis Le procès par contumace des Ben Ali s'ouvre à Tunis](/data/posts/2022/07/16/1657968702_Le-proces-par-contumace-des-Ben-Ali-s-ouvre-a-Tunis.jpg)
Le premier procès par contumace de l'ancien couple présidentiel, réfugié en Arabie saoudite, s'ouvre ce lundi devant un tribunal de Tunis. L'amertume prédomine chez les Tunisiens, qui déplorent l'absence du principal accusé.
Des palais présidentiels au banc des accusés, ou presque. L'ex-président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, chassé du pouvoir après 23 ans de règne, et son épouse Leïla Trabelsi vont être jugés par contumace à partir de lundi en Tunisie. La chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis examinera le cas du couple exilé en Arabie saoudite depuis le 14 janvier.
La demande officielle d’extradition adressée en février au royaume wahhabite est restée lettre morte, malgré le mandat d’arrêt international lancé le 26 janvier à l’encontre du couple Ben Ali par le pouvoir de transition en Tunisie. Dans un communiqué publié ce dimanche par son avocat libanais, Me Akram Azouri, l’ex-président "conteste vigoureusement" toutes les accusations portées contre lui par la justice tunisienne. Une semaine plutôt, son avocat français, Jean-Yves Le Borgne, avait qualifié de "mascarade" le procès contre son client dont le seul sens est, selon lui, "d'illustrer une rupture symbolique avec le passé".
Déception et frustration
À la veille du procès qui s’ouvre cinq mois à peine après la chute de l’ancien président, plusieurs militants des droits de l'Homme et responsables politiques tunisiens déplorent l’absence du principal accusé. "C'est paradoxalement un sentiment de déception qui domine dans le pays, car le couple présidentiel ne sera pas dans le box des accusés et certains craignent un procès bâclé organisé en toute hâte, pour apaiser l'opinion", explique David Thomson, correspondant de FRANCE 24 en Tunisie.
À l’instar de la population tunisienne, certains opposants historiques au régime ne cachent pas leur frustration. "C’est un faux procès, parce que Ben Ali va être jugé par contumace. On veut qu’il soit là, les victimes ont des questions à lui poser", déclarait Me Radhia Nasraoui, avocate et militante des droits de l'Homme, sur l’antenne de FRANCE 24, ce dimanche.
De son côté, le chef historique du Parti communiste ouvrier tunisien (PCOT) et opposant acharné à Ben Ali, Hamma Hammami dénonce un procès "destiné à calmer les esprits et non à dévoiler la vérité". Selon l’AFP, il estime que les autorités auraient dû commencer par juger "les symboles de la dictature et de la corruption que sont les conseillers et ministres de Ben Ali" en attendant d’accentuer la pression internationale pour obtenir son extradition.
Tribunaux civils et militaires
Slah Jourchi, vice-président de la Ligue des droits de l'Homme, également interrogé par l’AFP, pense toutefois que le procès aura quand même "une portée psychologique et politique" étant donné que les Tunisiens veulent "connaître la vérité et voir l'ex-président rendre des comptes au peuple".
Selon David Thomson, cinq avocats tunisiens ont été commis d’office samedi à la défense de l’ancien président, ses deux avocats libanais et français ne pouvant plaider, la loi tunisienne excluant les avocats étrangers en l’absence du prévenu.
Le procès civil du 20 juin, le premier d’une longue série d’actions intentées en justice contre le couple, portera sur une partie seulement des chefs d’accusation. D’une part, les Ben Ali sont poursuivis pour "accaparement de fonds publics" et "vol de biens". Des chefs d’accusation posés à la suite de la découverte de 27 millions de dollars en liquide et de bijoux dans l'un de leurs palais situé à Sidi Bou Said, près de Tunis. D’autre part, Zine El Abidine Ben Ali est poursuivi seul pour détention de stupéfiants, non déclaration de possession de pièces archéologiques et détention d’armes, qui ont été découverts dans le palais présidentiel de Carthage. L’ancien dirigeant encourt de 5 à 20 ans de prison, selon les autorités tunisiennes.
Marathon judiciaire
Au total, 93 chefs d’accusations - dont 35 seront cependant déférés devant la justice militaire-, ont été retenus contre l’ex-président et contre sa famille et d'anciens ministres et responsables du régime déchu. Au terme de ce marathon judiciaire, dont il est impossible d’estimer la durée de l’aveu même des autorités judiciaires tunisiennes, Ben Ali pourrait être condamné à la peine capitale, au vu des chefs d’accusation les plus graves retenus contre lui comme la torture et l’homicide volontaire qui seront instruits en un deuxième temps.
En outre, la justice militaire tunisienne a instruit 182 dossiers portant notamment sur des homicides commis pendant la révolution dans lesquels serait impliqué l'ancien président, comme l’a indiqué récemment le directeur de la justice militaire, le lieutenant-colonel Marwane.
Mais les déboires juridiques du président déchu ne s’arrêtent pas aux frontières de la Tunisie. En France, le parquet de Paris a ouvert, le 14 juin, une information judiciaire pour blanchiment d’argent visant l’ex-président tunisien. Une initiative intervenue quelques jours après le dépôt d’une plainte contre Zine El Abidine Ben Ali par deux ONG françaises, Sherpa et Transparence International France. Des plaintes qui risquent cependant de rester en l’état tant que Ben Ali bénéficiera de la protection saoudienne.