Alors que les autorités ont annoncé le retour prochain du président Ali Abdallah Saleh, hospitalisé en Arabie saoudite, et que l’opposition appelle à former rapidement un Conseil de transition, toutes les hypothèses sont possibles au Yémen.
Les opposants yéménites sont en liesse depuis que le président Ali Abdallah Saleh, blessé lors d’une attaque contre son palais la semaine dernière, est parti en Arabie saoudite pour y recevoir des soins. Alors que des sources médicales anonymes évoquent un état de santé préoccupant du chef de l'État, les autorités de son pays assurent qu’il sera bientôt de retour.
Les jeunes manifestants yéménites ont maintenu la pression, ce mercredi, pour tourner la page du régime actuel. Le groupe des "Jeunes révolutionnaires" appelle "toutes les forces nationales et tous les partis politiques à former un conseil présidentiel de transition qui formerait un gouvernement de transition".
Ali Abdallah Saleh avait refusé de signer le plan de transition proposé par le Conseil de coopération du Golfe (CCG), ratifié par toutes les parties en présence.
Revue de détails des questions en suspens dans la crise yéménite.
L'absence d'Ali Abdallah Saleh est-elle synonyme de départ définitif ?
Selon Rami Khalifa al-Ali, chercheur en sciences politiques à l’université Paris X-Nanterre, tout porte à croire que le Yémen se dirige vers une sortie de crise.
Il explique que, dans le pays, les tribus ont désavoué le président Ali Abdallah Saleh. "Il a été lâché par les tribus les plus importantes qui avaient un poids politique important : les Hached, les Bakil, les Ahmar et les Kinda. De même, les derniers soutiens politiques de Saleh, ainsi que l’armée, ont rejoint les rangs de la contestation. Seule lui reste la garde présidentielle", explique-t-il.
Au niveau international, la Maison Blanche a appelé à profiter de l’absence du président Saleh pour amorcer une transition pacifique, ce qui constitue un soutien de taille apporté à l’opposition yéménite. Pour Rami Khalifa al-Ali, le fait que les États-Unis aient désormais comme interlocuteur le vice-président montre en effet que Saleh a perdu toute légitimité sur le plan international et que c’est désormais le vice-président qui dirige le pays.
Pour Hicham Azziyadi, membre du comité des journalistes de la place Taghyir, il y aurait même des doutes sur le fait qu'Ali Abdallah Saleh soit encore en vie, celui-ci n’ayant fait aucune apparition depuis l’attaque de son palais. Le journaliste estime même que si Saleh est encore en vie, son retour au Yémen est impossible. "L’opposition va essayer par tous les moyens d’empêcher cela. C’est la raison pour laquelle elle appelle maintenant à constituer un Conseil de transition dans les plus brefs délais, afin de lui couper la route en demandant à la communauté internationale de reconnaître la nouvelle autorité", détaille-t-il.
Que risque Saleh s’il rentre au pays ?
Dans l’hypothèse d’un retour du président Saleh au Yémen, on doit s’attendre, selon Rami Khalifa al-Ali, à une guerre civile entre ses derniers partisans, "notamment parmi sa garde rapprochée, l’armée et les diverses tribus". Pour lui, on peut s’attendre à ce que cette guerre dure de nombreuses années, car l'opposition restera ferme et ne veut plus de lui. Mais "personne n’y a intérêt : ni le Yémen, ni les pays du Golfe, ni les pays occidentaux qui, eux, veulent le retour de la stabilité dans la région", nuance-t-il.
Hicham Azziyadi, quant à lui, insiste sur le fait qu’Ali Abdallah Saleh n’est pas allé en Arabie saoudite dans l’intention de revenir, mais si tel était le cas, il prend le risque d’être arrêté et traduit en justice. Pour lui, il est d’ailleurs peu probable que l’Arabie saoudite le laisse rentrer au Yémen, car elle ne voudrait pas prendre le risque de raviver l’instabilité dans la région.
Une médiation est-elle envisageable ?
"Il reste une place pour une médiation, qu’elle vienne des pays du Golfe ou de l’Occident", assure Rami Khalifa al-Ali. Celui-ci en veut pour preuve que le plan de transition proposé par les pays du Golfe - qu’Ali Abdallah Salleh a refusé de signer - a malgré tout été amendé cinq fois. "Même si, selon la Constitution, Saleh est toujours le président et qu’il peut revenir, cela ne pourra se faire sans médiation avec l’opposition", affirme-t-il.
Hicham Azziyadi ne partage pas cet avis. Pour lui, la révolution au Yémen a atteint un stade tel qu’un retour à la table des négociations signifierait un retour à la case départ. "C’est donc peu probable." Il rappelle par ailleurs que l’opposition, qui a plusieurs fois accepté les propositions du Conseil de coopération du Golfe (CCG) sans qu’elles n’aboutissent, risquerait aujourd’hui de les refuser.