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Fouad Siniora : "Le Liban n’a aucun intérêt à voir la Syrie s’enfoncer dans la crise"

Damas a récemment accusé le Courant du Futur, un parti politique libanais, de financer des éléments chargés de créer des troubles en Syrie en marge du soulèvement. L'ancien Premier ministre Fouad Siniora, qui en est membre, répond à ces accusations.

Premier ministre de 2005 à 2009, Fouad Siniora avait pris la tête du gouvernement libanais quelques mois après l’assassinat de Rafic Hariri, dont il avait été le ministre des Finances et un proche collaborateur. Durant cette période, il avait alors entretenu des relations excrécrables avec le régime syrien de Bachar al-Assad. Récemment, Damas a accusé son parti, le Courant du Futur que préside Saad Hariri, de financer des éléments pour créer des troubles en Syrie, en marge du soulèvement populaire en cours dans le pays. De passage à Paris, Fouad Siniora répond aux questions de FRANCE 24.


FRANCE 24 : Comment analysez-vous le soulèvement populaire en cours en Syrie, un pays qui joue un rôle particulier au Liban depuis plusieurs décennies ?

Fouad Siniora : Je pense qu’il est grand temps que les réformes demandées par les populations arabes - que nous soutenons - soient menées par les pouvoirs en place, et ce quel que soit le pays concerné. Chaque pas allant en ce sens renforce la démocratie dans la région et, par conséquent, produit des effets positifs au Liban. En ce qui concerne la Syrie, nous n’avons pas à nous prononcer sur ce que doit faire le régime. Tout dépend du président Bachar al-Assad, c’est à lui de prendre ou pas les mesures nécessaires. Je souhaite simplement au peuple syrien ce qu’il souhaite pour lui-même, car il est mieux placé que quiconque pour savoir où se situe son intérêt. J’espère que c’est ce qui prévaudra là-bas, comme dans tout autre pays arabe.

D amas a récemment accusé des membres de votre parti, le Courant du Futur, d’apporter un soutien financier et d’armer des factions en Syrie pour créer des troubles. Que répondez-vous à ces accusations ?

F. S. : Que les choses soient claires : nous, nous ne voulons en aucun cas nous ingérer dans les affaires syriennes, car nous ne voulons que personne ne s’ingère dans nos affaires. Le Liban a longtemps été victime de cette pratique, notamment de la part du régime syrien. Ces accusations sont totalement infondées, car le Liban n’a aucun intérêt à voir la Syrie s’enfoncer dans la crise. Et, de notre côté, nous n'avons ni la volonté ni les moyens d'intervenir en Syrie. Ce n'est pas notre façon de faire de la politique. Ce comportement qui consiste à rejeter la responsabilité des évènements sur notre parti, sur des leaders politiques, ou encore sur le Liban est illégitime.

Q uel regard portez-vous sur le printemps arabe qui bouleverse la donne dans la région ?

F. S. : Au début de l’année 2011, personne ne pouvait prédire que le monde arabe allait vivre une telle période historique et des changements aussi brusques. Cette simple réflexion suffit à démontrer que ces mouvements sont inspirés à 100 % par les peuples arabes qui se sont soulevés. Ils n’ont nullement été téléguidés par l’étranger, par tel ou tel service de renseignement, et encore moins par Israël, comme certains régimes l’ont laissé entendre pour discréditer ces soulèvements. Il est désormais impossible de s’opposer à cette volonté et à ce courage manifestés par la jeunesse arabe qui a soif de justice, de liberté, de dignité et de démocratie. Il faut, au contraire, écouter cette génération et l’aider à s’épanouir dans un monde démocratique qui constituera un rempart à toute forme de violence et d’exclusion.

À la lecture de ces évènements - auxquels il faut ajouter la disparition d’Oussama Ben Laden et la réconciliation inter-palestinienne -, êtes-vous confiant en ce qui concerne l’avenir du Moyen-Orient ?

F. S. : La mort de Ben Laden et l’accord signé entre le Fatah et le Hamas font partie de ces évènements cruciaux qui peuvent mener le Moyen-Orient à la paix et qui démontrent que le monde arabe traverse une période de grands changements. Cependant, la réaction des Israéliens, qui refusent de traiter avec le Hamas, complique sérieusement la donne. Cette réconciliation est une chance inespérée qu’il ne faut pas laisser passer. Il est du devoir des États-Unis, de l’Europe et de la France de saisir cette chance et d’empêcher que le peuple palestinien, qui a enduré tant de malheurs, reste le seul de la région à subir l’occupation et l’injustice. Cette paix n’est pas uniquement dans l’intérêt des Palestiniens ou des Arabes, mais dans l’intérêt de tous.
 

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