Dans un entretien diffusé dimanche soir dans l'émission "60 minutes", le président américain demande à Islamabad de diligenter une enquête sur le "réseau de soutiens" dont aurait bénéficié le numéro un d'Al-Qaïda au Pakistan.
"Des têtes vont tomber, dès que l'enquête sera achevée", a promis dimanche l'ambassadeur du Pakistan aux États-Unis à l'antenne de CNN. "Si ces têtes tombent pour incompétence patentée, nous en informerons les Etats-Unis, et s'il arrive, Dieu nous en garde, qu'une complicité est découverte, ce sera tolérance zéro", a assuré Hussain Haqqani. Il a reconnu que le Pakistan avait des points faibles mais a assuré que son gouvernement ne savait pas que Ben Laden se cachait à quelques heures de voiture de la capitale Islamabad. (AFP)
Barack Obama a relancé dimanche le débat sur la thèse d’une éventuelle complicité du gouvernement d’Islamabad à propos de la présence d’Oussama Ben Laden sur le sol pakistanais jusqu’à sa mort, le 1er mai, lors d’un raid des forces spéciales américaines.
"Le gouvernement pakistanais se doit d'ouvrir une enquête"
Le président américain a déclaré sur CBS que le chef d’Al-Qaïda avait très vraisemblablement disposé d’appuis au Pakistan et il a exhorté les autorités d’Islamabad à ouvrir une enquête sur le sujet.
"Nous pensons qu’il y a dû y avoir un réseau de soutiens, sous une forme ou sous une autre, pour Ben Laden à l’intérieur du Pakistan", a-t-il dit dans un entretien télévisé diffusé dimanche soir dans l’émission " 60 minutes" de CBS.
"Mais nous ne savons pas lequel, a-t-il ajouté. Nous ne savons pas s’il y a pu avoir des gens [qui ont aidé Ben Laden, ndlr] au sein ou à l’extérieur du gouvernement. Nous devons enquêter là-dessus et, encore plus important, le gouvernement pakistanais se doit d’ouvrir une enquête."
Le fondateur d’Al-Qaïda, qui a orchestré les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, a été tué le 1er mai par les forces spéciales américaines dans sa cache d’Abbottabad, à une soixantaine de km de la capitale pakistanaise, Islamabad.
Les Américains veulent interroger les trois veuves de Ben Laden capturées à Abbottabad
Avant la diffusion des propos de Barack Obama, l’administration américaine avait, semble-t-il, ménagé son allié pakistanais en affirmant ne pas disposer de preuve permettant d’affirmer qu’Islamabad savait qu’Oussama Ben Laden vivait dans une ville de garnison toute proche avant sa mort.
it"Je peux vous dire franchement que je n’ai vu aucune preuve permettant d’affirmer que les dirigeants politiques, militaires ou des services de renseignements avaient connaissance [du lieu où se cachait] Ben Laden", a déclaré Tom Donilon, conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, lors de l’émission “Meet the Press” de la NBC.
La cache du chef d’Al-Qaïda doit "faire l’objet d’une enquête", avait-il toutefois ajouté.
"Les Pakistanais ont fait savoir qu’ils allaient ouvrir une enquête, a dit Donilon. C’est une question très importante au Pakistan en ce moment. Comment cela a-t-il pu se passer au Pakistan ? Nous devons enquêter là-dessus. Nous devons travailler avec les Pakistanais."
Près de deux Américains sur trois sont d'accord avec la décision du président Barack Obama de ne pas diffuser les photos d'Oussama ben Laden après sa liquidation par les forces spéciales américaines dans sa cache pakistanaise
le 1er mai, révèle un sondage que publiera lundi NBC.
Vingt-quatre pour cent des personnes interrogées pensent fermement que ces clichés devraient être diffusés, contre 52 % qui pensent résolument l'inverse. Ils sont 12% à tomber d'accord avec la décision de Barack Obama, sans être toutefois aussi affirmatifs. (Reuters)
Les autorités pakistanaises, a-t-il ajouté, doivent fournir aux autorités américaines les informations qu’elles ont recueillies dans la résidence où Ben Laden a été tué, et leur permettre de rencontrer ses trois veuves qui sont actuellement détenues au Pakistan.
Islamabad a déjà promis une enquête
Lundi, le Premier ministre pakistanais, Yusuf Raza Gilani, pourrait livrer des éclaircissements à ce sujet lors de son discours au Parlement à Islamabad.
Et son ambassadeur à Washington, Husain Haqqani, a promis dans l’émission "This Week" d’ABC que les autorités pakistanaises prendraient des mesures après enquête.
"Des têtes vont tomber, une fois l’enquête terminée, a-t-il assuré. S’il y a incompétence avérée, nous vous le dirons. Mais si, et que Dieu nous en garde, des complicités sont mises au jour, nous appliquerons le principe de tolérance zéro."
Malgré les relations difficiles entre Washington et Islamabad, "nous travaillons en étroite collaboration avec le Pakistan dans le domaine du contre-terrorisme, a déclaré de son côté Tom Donilon. Il y a eu plus de terroristes et d’extrémistes capturés ou tués au Pakistan que dans n’importe quel autre pays"
Des soupçons américains sur le renseignement pakistanais
Le Pakistan, très dépendant des milliards de dollars d’aide américaine, est sous pression pour expliquer comment Ben Laden a pu vivre aussi longtemps dans une ville de garnison si proche de la capitale sans être débusqué.
Ces interrogations renforcent les doutes quant aux relations que pourraient entretenir des membres des services secrets pakistanais (ISI) avec les extrémistes islamistes.
Le Pakistan dément vigoureusement toute complicité et indique avoir payé le prix fort pour avoir soutenu l’offensive américaine lancée après les attaques du 11 septembre 2001.
Selon des responsables de service de sécurité pakistanais, le chef d’Al-Qaïda pourrait avoir vécu plus de sept ans au Pakistan avant d’être tué le 1er mai par un commando américain.
L’une des veuves de Ben Laden a déclaré aux enquêteurs qu’il avait passé environ deux ans et demi dans un village pakistanais avant de s’installer à Abbottabad.
Cette femme, Amal Ahmed Abdoulfattah, a affirmé que le chef d’Al-Qaïda et ses proches avaient vécu cinq ans à Abbottabad.
Donilon a estimé dimanche que la mort d’Oussama ben Laden portait "un véritable coup" au réseau d’Al-Qaïda.
"Avec les mesures que nous avons prises lors de l’assaut sur lancé contre la résidence au Pakistan et la mort d’Oussama ben Laden, ils sont encore plus fragilisés", a-t-il dit.
Washington a révélé samedi que le complexe dans lequel vivait Ouassama ben Laden abritait un "poste de commandement et de contrôle actif" des opérations d’Al-Qaïda.
"Cela semble ridicule, a réagi dimanche un haut responsable des renseignements pakistanais. Il ne semblait pas en train de diriger un réseau terroriste."
"Ce sont des conneries", a renchéri un haut responsable des services de sécurité pakistanais interrogé sur le rôle actif joué par Ben Laden depuis Abbottabad.