
Au lendemain de l'élimination du numéro un d'Al-Qaïda, la popularité du président américain a grimpé de 11 points. Un sursaut dans les enquêtes d'opinion qui ne résistera peut-être pas aux mauvais chiffres de l'économie américaine.
Pour la première fois depuis son entrée en fonction, le président américain était attendu à Ground Zero, sur le site new-yorkais des attentats du 11-Septembre. Une visite hautement symbolique quatre jours après l’annonce de la mort du numéro un d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden. "L’idée n’est pas de parader" mais de "rendre hommage aux victimes" de l’attentat, a précisé la Maison Blanche.
S’attachant à éviter tout triomphalisme, Barack Obama devrait se contenter de déposer une gerbe sur le site et de rencontrer à huis clos des familles de victimes et des secouristes. "Il veut les voir, partager ce moment si important et significatif pour les victimes [du 11-Septembre]", a affirmé Jay Carney, porte-parole du président américain.
"C’est un moment d’unité pour les Américains et le moment de se remémorer l’unité qui avait prévalu après les attentats du 11-Septembre", a-t-il conclu. Dans cet esprit, l’ancien président George W. Bush avait été convié à la cérémonie au pied de l’ancien emplacement des tours jumelles du World Trade Center. Ce dernier a décliné l’invitation.
Sur des œufs...
Dans le même souci d’apaisement, et après avoir tergiversé plusieurs jours, Barack Obama a finalement renoncé à publier des images de la dépouille de Ben Laden. Quitte à alimenter les doutes et les rumeurs concernant la mort du numéro un d’Al-Qaïda. Ces photos, qualifiées "d’atroces" par la Maison Blanche, auraient pu servir "d’instrument de propagande" et "représenter un risque pour la sécurité nationale", selon les propres mots du président américain.
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Washington marche sur des œufs en matière de communication. En février, l’autodafé d’un Coran par un pasteur américain avait déclenché, plusieurs jours plus tard, une flambée de violences contre l’ambassade américaine au Pakistan. Le message est clair : mieux vaut rester prudent. "Ils [les membres du gouvernement] sont en train de préparer l’opinion, analysait Thomas Wolzien, stratège en communication, dans les colonnes du quotidien Libération. Ils se mettent dans la position où ils publieront ces photos pour répondre aux doutes, plutôt que de les brandir comme des trophées."
Pour l’heure, la mort d'Oussama Ben Laden a sérieusement dopé la popularité de Barack Obama jusqu’alors en berne. Selon un sondage réalisé par New York Times et CBS News, le président américain a gagné 11 points depuis la mi-avril, atteignant 57 % d’opinions favorables. Souvent attaqué par l’opposition pour son manque de vigueur dans la guerre contre le terrorisme, l'actuel locataire de la Maison Blanche peut à présent se targuer d’avoir réussi là où avait échoué le gouvernement républicain de George W. Bush : éliminer de l’ennemi public numéro un. Désormais, "personne ne peut affirmer qu’Obama est faible en terme de défense", analyse le politologue Darrell West.
Un boulevard pour la présidentielle de 2012 ?
Cette victoire, "moment important et libérateur pour le peuple américain", selon la Maison Blanche, ouvre-t-elle un boulevard à Barack Obama, candidat à sa propre succession en 2012 ? "La bataille est loin d’être gagnée, affirme le politologue et universitaire Larry Sabato. George Bush [père] a prouvé qu’on peut remporter une guerre de façon spectaculaire et néanmoins perdre des élections si l’économie se porte mal", poursuit-il.
Or, aux États-Unis, le taux de chômage reste très élevé (autour de 9 %) et la reprise économique peine à se faire sentir. Dans un sondage effectué par le Washington Post au lendemain de l’exécution de Ben Laden, seulement 40 % des Américains approuvaient la politique économique de Barack Obama. Soit deux points de moins qu’en avril. John Fortier, analyste au Bipartisan Policy Center, un think-tank à but non-lucratif, assure : "si les conditions actuelles perdurent, alors les bénéfices de la mort de Ben Laden ne se feront pas sentir longtemps".