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Les experts s'interrogent sur l’avenir d’Al-Qaïda

L’annonce de la mort d’Oussama Ben Laden suscite nombre d'hypothèses sur l'avenir de la mouvance terroriste. Géostratèges, journalistes, chercheurs, et spécialistes du renseignement s'interrogent sur les conséquences de cet évènement.

“C’est un extraordinaire succès pour les Américains, mais la situation est peu claire”, selon Gérard Chaliand, géostratège, spécialiste des guerres irrégulières, invité sur le plateau de FRANCE 24. “Je pensais que Ben Laden était mort depuis longtemps. C’est une excellente surprise”, a-t-il expliqué.

Selon les déclarations américaines, Oussama Ben Laden a été tué à Abbottabad, non loin de la capitale pakistanaise. Une localisation qui n'étonne guère Gérard Chaliand, car “les Pakistanais n’ont pas cessé d’avoir une attitude ambigüe. Ils n’avaient visiblement pas les mêmes intérêts que les Américains. La grande question, c’est le rôle qu'ils ont joué”.

  • Comment peuvent réagir les Pakistanais ?

Cedric Molle-Laurençon, journaliste à FRANCE 24 qui a travaillé au Pakistan, s’interroge quant à lui sur la façon dont les Pakistanais ressentent cette opération des forces spéciales américaines au coeur de leur pays. “Les Pakistanais vivent de moins en moins bien les frappes des drones sur leur territoire. Alors vous imaginez comment la rue pakistanaise va vivre cette action d’un commando américain à quelques kilomètres de la capitale !”

Personne ne connaît les raisons exactes de la présence de l’homme le plus recherché au monde dans cette grande maison que les Américains avaient repéré depuis plusieurs mois. Mais selon Roland Jacquard, président de l’Observatoire international du terrorisme, Ben Laden s’était rapproché d’Islamabad pour des problèmes de santé et régler des tensions avec ses adjoints.

  • Al-Qaïda peut-elle survivre à la mort de son chef ? 

Les experts interrogés sur FRANCE 24 sont très partagés sur l’avenir de la nébuleuse Al-Qaïda. Pour Roland Jacquard, “une idéologie survit à son chef. Al-Qaïda a dans ses rangs des personnages aussi importants que Ben Laden comme Ayman Al-Zawahiri”. Ce chercheur estime cependant probable une guerre de succession. Yves Bonnet, l’ancien directeur de la Direction de la surveillance du territoire (DST), confirme l'hypothèse d'une survie de la nébuleuse terroriste : “Il est évident que cette organisation va continuer à exister et à nuire. Mais nul n’aura le charisme de Ben Laden. C’est une perte irremplaçable pour l’image d’Al Qaïda.”

  • Que peut-il arriver pour les otages ?

Gerard Longuet, ministre français de la Défense, a déclaré sur RTL lundi matin que la mort d'Oussama Ben Laden était "un événement considérable pour le monde entier", précisant encore que cette information pouvait jouer "positivement" sur le sort des journalistes français otages en Afghanistan."

Sur le plateau de FRANCE 24, les experts se montrent plus prudents. L'ancien responsable politique Yves Bonnet tempère en affirmant que Ben Laden n’exerçait “aucun contrôle” sur Al-Qaïda au Magreb Islamique (Aqmi). Même analyse de Fahrad Khosrokhavar, directeur d’études à l’EHESS et chercheur au CADIS, selon qui “cela peut ouvrir des portes mais Ben Laden ne dirigeait plus grand chose.”

  • Qu'en est-il du risque de représailles ?

Les experts interrogés par FRANCE 24 n'excluent pas spectre d’éventuelles représailles terroristes sans pour autant l'estimer nécessaire. Pour Mohamed Sifaoui, écrivain spécialiste de l’islamisme : “On peut s’attendre à des représailles, mais une opération de type 11-Septembre est inenvisageable à court terme.”

“Dans l’ensemble, Al-Qaïda laissera dans l’histoire la même marque que les anarchistes, c’est à dire une note de bas de page”, estime Gérard Chaliand.