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Rabat explore "toutes les pistes" dans l'enquête sur l'attentat de Marrakech

Au lendemain de l'attentat qui a frappé le centre de Marrakech, provoquant la mort de 15 personnes, aucune revendication n'est parvenue aux autorités. La piste des réseaux islamistes, en particulier d'Aqmi, n'est pas exclue par les spécialistes.

AFP - Exclus du printemps arabe, les réseaux djihadistes pourraient avoir choisi de commettre un attentat à Marrakech pour s'imposer de nouveau au Maghreb, mais sans beaucoup de chances de faire dérailler le processus de réformes au Maroc, estimaient vendredi des experts.

L'attentat meurtrier perpétré jeudi contre un café très fréquenté de la place Jamâa El-Fna de Marrakech, restait vendredi non revendiqué, et les autorités marocaines exploraient "toutes les pistes y compris celle d'Al-Qaïda" à laquelle l'attentat fait inévitablement penser.

De nombreux indices désignent les réseaux extrémistes islamistes, et en particulier Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), active dans les pays de la région --Algérie, Mali, Niger et Mauritanie-- selon Jean-Yves Moisseron, rédacteur en chef de la revue spécialistée Maghreb-Machrek.

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"Il y a le mode opératoire qui suppose une organisation professionnelle car la place Jamâa El-Fna est très surveillée; le choix de Marrakech, ville très touristique au mode de vie sulfureux (fête, prostitution, etc) et enfin le restaurant, l'Argana qui est un lieu de rencontre des étrangers", juge-t-il.

"L'attentat fait en outre suite à une tentative de l'Aqmi depuis plusieurs mois d'installer une cellule au Maroc. Il y a eu des arrestations récentes de Marocains au Mali", assure-t-il.

Par ce coup d'éclat, ces réseaux chercheraient à revenir sur une scène régionale dont ils ont été exclus par les révoltes démocratiques qui les ont pris de court.

"Depuis le début du printemps arabe, les réseaux Al-Qaïda se sont tus parce qu'ils ne savent pas se positionner. Les peuples ont réussi à faire ce qu'eux n'ont pas réussi: faire tomber les régimes", constate Anne Giudicelli, consultante spécialisée sur le terrorisme en Afrique et au Moyen-Orient.

Menacés par la contestation, certains régimes de la région pourraient aussi avoir un interêt commun avec ces réseaux à remettre "le terrorisme au coeur des préoccupations occidentales, ce qui permet de justifier la répression", ajoute-t-elle.

Les experts évoquent d'éventuels soutiens libyens, syriens, voire algériens.

Le Maroc, victime de terribles attentats à Casablanca à 2003 et qui n'avait plus été touché depuis 2007, ne paraissait cependant pas menacé.

Le 14 avril, Mohammed VI avait même libéré de nombreux détenus politiques, dont des islamistes et des Sahraouis, dans la foulée des annonces de réformes constitutionnelles annoncées début mars face au mouvement de revendications démocratiques menés notamment par les jeunes.

Cet attentat pourrait-il remettre en cause cette ouverture ? Le porte-parole du gouvernement Khalid Naciri assure que non. "Le processus de réformes ne s'arrêtera pas et le Maroc sera encore plus fort dans sa résistance à toutes les tentatives de déstabilisation", a-t-il martelé vendredi.

Pour Haoues Seniguer, chercheur à l'Institut d'études politique de Lyon, l'attentat "n'empêchera pas la démocratisation à long terme du Maroc".

"Le roi ne peut pas faire comme si les revendications n'existaient pas. Aujourd'hui, avec internet et les télévisions, les Etats n'ont plus les mêmes marges de manoeuvre que par le passé pour jouer sur le registre sécuritaire", juge-t-il.

L'attentat va cependant toucher le coeur de l'économie marocaine, le tourisme, alors que "le terreau du terrorisme, la pauvreté, les injustices sont toujours là", souligne Anne Giudicelli.

Derrière le Maroc, Aqmi, si cette hypothèse se confirme, a pu aussi vouloir viser la France, sa cible privilégiée, et dont au moins six ressortissants font partie des quinze morts de l'attentat, selon des sources gouvernementales françaises.

"Aqmi pourrait avoir voulu envoyer un message dans le cadre des négociations sur les quatre otages français" enlevés au Niger, estime Anne Giudicelli. "C'est plus facile de frapper le Maroc que la France. En touchant le Maroc, on se rapproche de la France", souligne-t-elle.