Au lendemain de la publication d’une enquête sur Mediapart dénonçant des dérives racistes au sein de la Fédération française de football, les réactions se multiplient. La FFF dément mais annonce qu’elle va diligenter une "enquête interne".
Y’a-t-il trop de Noirs et d’Arabes dans le football français ? C’est, en substance, le débat dont se serait saisi la Fédération française de football (FFF) ces derniers mois, selon une enquête publiée jeudi par le site Mediapart.
Dans l’article, les trois auteurs de l’enquête dénoncent la tenue de débats à huis clos sur le sujet depuis la fin de l’année 2010. Ces discussions auraient abouti à de troublantes conclusions, toujours selon Mediapart. "Pour les plus hautes instances du football français, l’affaire est entendue : il y a trop de Noirs, trop d’Arabes et pas assez de blancs sur les terrains", auraient affirmé plusieurs dirigeants du football français.
"Plusieurs dirigeants de la Direction technique nationale (DTN) de la Fédération française de football (FFF), dont le sélectionneur des Bleus en personne, Laurent Blanc, ont approuvé, dans le plus grand secret, début 2011, le principe de quotas discriminatoires officieux dans les centres de formation et les écoles de foot du pays", développe cette enquête.
"Le chiffre de 30% a même été avancé, le 18 janvier 2011, par le directeur technique [François Blaquart] lors d'une réunion de la DTN. ‘Mais il ne faut pas que cela soit dit’, a bien pris soin de préciser M. Blaquart", insiste Mediapart, qui assure avoir obtenu ces informations de plusieurs sources fiables.
"D'après des sources internes à la FFF, scandalisées par le procédé, des consignes ont été données en ce sens ces dernières semaines à différents responsables de centres de formation, notamment l'Institut national français (INF) à Clairefontaine", poursuit l’article.
La FFF dément, Mediapart prêt à publier les preuves
Face au brulot publié sur le site, la FFF n’a pas tardé à réagir. Philippe Tournon, chef du service de presse de l’équipe de France, a expliqué sur FRANCE 24 que Laurent Blanc était "viscéralement attaché a la liberté et […] réfractaire à toute forme de discrimination" et qu’il "[récusait] formellement le fait d'être associé de près ou de loin à ces histoires de quotas."
Le chef du service presse de l’équipe de France a néanmoins reconnu la tenue de débats relatifs à la double nationalité de certains joueurs formés par les centres français, mais dénonce un amalgame.
Fernand Duchossoy, président de la FFF, qui a également dénoncé cet amalgame, a confirmé à l’AFP qu’un débat sur un sujet connexe avait été à l’ordre du jour : "Il y a un constat, mais ce n'est pas une réflexion. C'est qu'on a plein de joueurs à la double nationalité chez les jeunes et qu'ensuite certains ne veulent pas aller en équipe de France. C'est un choix, il faut l'assumer."
En dépit de cette pluie de démentis, le site Mediapart a réaffirmé sa sérénité quant aux propos rapportés dans son enquête. L’un de ses auteurs, Fabrice Arfi, s’expliquait jeudi soir sur les ondes de RMC : "Nous sommes très sereins face aux démentis. Nous détenons les preuves de ce que nous avançons. Et si les démentis sont trop insistants, évidemment, nous serons amenés à publier ces preuves."
"Le football français est raciste"
La publication du premier volet de cette enquête a provoqué un séisme dans le monde du sport français. La ministre des Sports Chantal Jouanno, qui a "[pris] acte" du démenti de la Fédération, a appelé les instances concernées à "faire très rapidement toute la lumière sur [ces] allégations".
Si les principaux acteurs du football français refusent toujours de se prononcer sur les propos relayés par Mediapart, certains ont emboité le pas du média Internet pour dénoncer une situation plus générale. Sur RMC, Pape Diouf a rebondi sur la publication de l’article pour fustiger l’état du football français : "Le football français est à l'image de sa société. Il est raciste et il exclut, affirme l’ancien président de l’Olympique de Marseille. […] Je ne dis pas que [ces accusations] sont vraies mais, en tout cas, elles reflètent totalement la réalité de l'heure et du moment."
Le journal L’Équipe a pour sa part recueilli le témoignage d’un autre symbole de la diversité footballistique hexagonale, l’ex-défenseur central de l’équipe de France Lilian Thuram, qui a fait part de son émotion au quotidien sportif : "Je suis tellement abasourdi que je ne sais pas quoi répondre. C’est tout un monde qui s’écroule. Mais je ne veux pas être dans l’émotion pour réagir. J’attends d’avoir plus d’éléments. C’est pourquoi je souhaite m’entretenir avec les gens de Mediapart. Si cette histoire est vraie, elle ne doit pas s’arrêter là."
Au sortir du conseil fédéral, ce vendredi, le président de la FFF Fernand Duchossoy a annoncé l’ouverture d’une "enquête, peut-être avec une direction du ministère de la Jeunesse et des Sports et peut-être avec une personne incontestable du monde du football."
"Je suis sûr que cela démontrera que c'est une affaire qui n'est pas à la hauteur de ce qu'on veut nous faire porter. Si on voit qu'il y a des choses à reprocher à ceux qui nous ont accusé, nous prendrons les dispositions nécessaires pour contre-attaquer", a-t-il déclaré.