Ribal al-Assad est installé à Londres depuis 2003. La disgrâce de son père en 1998 lui a valu cet exil. Mais le cousin de Bachar al-Assad se défend de vouloir peser sur les évènements en Syrie autrement qu’en promoteur de la démocratie. Entretien.
Il a beau vivre en exil depuis des années, il ne quitte pas la Syrie des yeux. Ribal al-Assad est d’abord, comme son nom l’indique, un membre de la famille al-Assad. Son père, Rifaat, est bien connu des Syriens. C’est d'abord l’ancien vice-président, connu notamment pour avoir dirigé les répressions féroces de Hama et d'Alep en 1982. C'est aussi le frère cadet d’Hafez al-Assad, qui a régné sur la Syrie pendant 30 ans. Mais deux ans avant de mourir, Hafez al-Assad lui a préféré son propre fils Bachar pour reprendre les rênes du pouvoir. Tombé définitivement en disgrâce en 1998, Rifaat al-Assad s'est ensuite exilé.
FRANCE 24 : Plus de 230 membres du parti Baas ont annoncé leur démission mercredi. Comment voyez-vous la situation en Syrie ?
Ribal al-Assad : Ce qui se passe en Syrie est un désastre. Au lieu de mettre en place des réformes rapidement, c’est par la violence que Bachar al-Assad répond aux manifestants. C’est de la folie. Il y a des gens autour de lui qui ont intérêt à ce que le régime emploie la force pour empêcher les réformes d’aboutir. Bachar al-Assad est en particulier tenu par deux de ses cousins. Il y a d’abord Rami Makhlouf, qui est l’une des plus grandes fortunes syriennes, et son frère le général Hafez Makhlouf. Ils ont tout à perdre dans ces révoltes puisque ce sont eux, qui contrôlent l’économie syrienne.
FRANCE 24 : Mais le président Bachar al-Assad peut-il continuer à ignorer les manifestations ?
Ribal al-Assad : Vous savez, tout seul, Bachar al-Assad ne peut rien faire. Constitutionnellement, il cumule les fonctions de président de la République, de président du parti Baas et de chef de l’armée, mais dans les faits, il n’est rien. Et il n’a pas la poigne de son père Hafez al-Assad. D’ailleurs, il accuse des puissances étrangères d’être derrière les manifestations. C’est absurde. Les Syriens ont vu ce qui s’est passé en Tunisie, en Égypte, ou même au Yémen. Ils veulent vivre en démocratie.
FRANCE 24 : L’opposition en Syrie n’est pas structurée. Il n’existe pas de parti susceptible de prendre du jour au lendemain le relais du parti Baas. Comment faire alors pour envisager une transition démocratique pacifique ?
Ribal al-Assad : Les manifestants sont pacifiques. C’est le régime qui emploie la violence. Ensuite, il faut que toutes les sensibilités politiques soient représentées : les Kurdes, les opposants en exil ainsi que toutes les minorités... Le clan au pouvoir brandit la menace d'une guerre confessionnelle pour pouvoir se permettre d'appeler les Iraniens à l’aide. Téhéran est proche de la famille al-Assad. La chute de Bachar al-Assad compromettrait son influence dans la région. D’ailleurs, je ne vois pas un scénario à l’égyptienne se produire. L’Iran ne laissera jamais le régime s’effondrer.
FRANCE 24 : Vous êtes le cousin de Bachar, le fils de Rifaat, l'ancien vice-président syrien et frère cadet d’Hafez-al-Assad… Ne pensez-vous pas que les Syriens veulent tourner la page de la famille al-Assad ?
Ribal al-Assad : Mon père Rifaat al-Assad est un personnage respecté, vous savez. Je vis en exil depuis l’âge de 9 ans, et personne n’a jamais voulu laisser mon père Rifaat al-Assad ni sa famille vivre en paix en Syrie. Un exemple : en 1994, je devais partir étudier à l’université de Boston. Des officiers ont essayé de me tuer à l’aéroport de Damas. Mais des militaires ont reconnu mon père qui m’accompagnait, et c’est pour ça qu’ils n’ont pas pu me tuer. Mon père était très populaire en Syrie, surtout dans l’armée. Nous avons été injustement accusés. D’ailleurs, le régime syrien m’a même accusé d’être au Liban, au côté de Saad Hariri, le Premier ministre. Cette information est même répercutée par le site Al-Manar du Hezbollah. C’est n’importe quoi. Quant à mon père, on l'accuse d’avoir envoyé des troupes sur Hama en 1982, mais c’est faux. Il a d’ailleurs toujours refusé d’endosser ces responsabilités. Tout ça a été monté. Mon père a encore beaucoup de partisans dans toutes les confessions.
FRANCE 24 : Vous présidez une ONG basée à Londres, l’Organisation pour la démocratie et la liberté en Syrie. Est-ce que ça signifie que vous pensez pouvoir incarner une alternative politique au parti Baas ?
Ribal al-Assad : J’ai fait parti des premiers à réclamer la démocratie, c’est vrai. Je préside aussi la chaîne de télévision ANN (Arabic News Network) dont le régime a tenté d’empêcher la diffusion. Mais je ne veux pas rentrer en Syrie pour fonder un parti politique. Maintenant, pour moi, c’est très simple : j’ai de la famille que je n’ai pas vu depuis longtemps. Je veux vivre comme on peut vivre en France ou au Royaume-Uni : en sécurité, près des siens. La seule solution, c’est la démocratie.