
Le président burkinabè Blaise Compaoré a nommé le diplomate Luc-Adolphe Tiao au poste de Premier ministre pour tenter de freiner les divers mouvements de révolte qui secouent le pays. Entretien avec le nouveau bras droit du chef de l'État.
C’est un profil atypique qui arrive à la Primature du Burkina Faso. Journaliste de formation, Luc-Adolphe Tiao, surnommé "l’outsider" ou encore le "Joker" par les quotidiens locaux, fut longtemps un homme de la presse avant d’embrasser une carrière politique. Nommé Premier ministre par le chef de l’État, Blaise Compaoré, le 18 avril dernier, il succède au technocrate Tertius Zongo, devenant ainsi le sixième chef de gouvernement depuis 1992 et le premier à ne pas être économiste de formation.
Ambassadeur du Burkina à Paris depuis 2008, Tiao n’avait jamais été membre d’un gouvernement. Sa nomination, annoncée quelques heures après une manifestation d'étudiants à Koudougou, à une centaine de kilomètres de Ouagadougou, survient dans un contexte de haute tension.
Depuis la mort d’un collégien, le 20 février dernier, à la suite d’exactions policières, le Burkina est secoué par de multiples manifestations de colère, des magistrats aux commerçants, en passant par les étudiants, les syndicats, la société civile, l'opposition et les militaires.
Acculé par ce soulèvement inédit, Blaise Compaoré avait alors annoncé, vendredi 15 avril, le paiement des primes des militaires, la dissolution du gouvernement et le limogeage de plusieurs chefs militaires pour tenter d’éteindre le feu social.
Contacté par France24.com, quelques minutes avant d’entrer en Conseil des ministres, Luc-Adolphe Tiao a accepté de répondre à quelques questions. Prenant sa nouvelle fonction à bras le corps, le nouvel homme fort de Blaise Compaoré, conscient de la tâche colossale qui l’attend, entend bien "s’attaquer aux problèmes quotidiens des Burkinabè".
FRANCE 24 : Diplomate, journaliste, homme de culture… Pourquoi le président a-t-il choisi un homme de communication pour apaiser le pays ?
Luc-Adolphe Tiao : Je ne m’attendais pas du tout à cette nomination. J’étais très surpris.
Mais vu le contexte social très difficile du moment, mon rôle de diplomate ainsi que mon expérience dans la communication ont dû peser dans le choix du président. Malgré l’ampleur de la tâche qui m’attend, je reçois ce nouveau poste comme un honneur.
F24 : Quelle sera votre première mission pour essayer de sortir de la crise ?
L-A.T : Je n’ai qu’un seul but : ramener la paix sociale. Et pour cela, je mise sur le dialogue et la communication. Le Burkina fait face à une crise sans précédent, je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour résoudre les problèmes des Burkinabé sans violence. Avant toute chose, il fallait nommer un nouveau gouvernement [formé jeudi, NDLR] centré sur l’ouverture, c’est désormais chose faite.
F24 : Vous misez sur l’ouverture, mais tous les membres de la nouvelle équipe appartiennent au parti au pouvoir, le Congrès pour la démocratie et le progrès…
L-A.T : Quinze nouveaux ministres sont entrés [sur les 29 postes, NDLR] dans le gouvernement. Je ne les ai pas choisis en fonction de leur appartenance politique, mais de leurs compétences. La ministre des Droits de la Femme, [Nestorine Sangare, NDLR] par exemple, est une activiste brillante qui n’a jamais participé à un gouvernement. Je souhaite que chaque membre de cette nouvelle équipe accepte de servir au mieux le pays, quelle que soit sa famille politique.
F24 : Concrètement, quelles mesures allez-vous prendre pour ramener la paix ?
L-A.T : Je n’ai pas encore d’agenda précis. Tout ce que je peux vous dire, c’est que je me donne un délai rapide pour apporter des réponses sociales. Je suis conscient de la détresse de la population. La vie est de plus en plus chère, la crise ivoirienne - doublée de la crise économique internationale - aggrave la situation. La Côte d'Ivoire est le premier partenaire économique du Burkina Faso en Afrique. Plusieurs produits de grande consommation du Burkina proviennent des unités industrielles ivoiriennes ou transitent par le port international d'Abidjan. Depuis le début de la crise post-électorale tout a changé. J’attends donc avec impatience que nos voisins retrouvent le chemin de la stabilité afin que le Burkina bénéficie d’un peu de répit et d’une embellie économique.
Quant à la révolte des militaires, la situation est en train de se normaliser. Le gouvernement a satisfait leurs revendications. Le nouveau chef d’état-major, le général Honoré Nabéré Traoré est populaire et très sérieux. C’est l’homme qu’il fallait pour calmer les tensions au sein des garnisons.
(Crédit photo : Ambassade du Burkina en France)