Trois mois après la chute du régime de Ben Ali, la Tunisie accueille le chef de la diplomatie française Alain Juppé. Tunis attend un soutien ferme de Paris dans un contexte politique difficile : le pays a déjà connu deux Premiers ministres.
À Tunis, le défilé des ministres français continue. Après Christine Lagarde, Laurent Wauquiez, Pierre Lellouche, Nathalie Kociusko-Morizet et Frédéric Lefebvre, c’est au tour du chef de la diplomatie française Alain Juppé de se présenter au chevet de la démocratie tunisienne en convalescence. Le ministre des Affaires étrangères s’y rend mercredi et jeudi pour une visite de deux jours.
Trois mois après la chute du régime de l’ancien président ben Ali, la Tunisie peine à trouver ses marques. En dépit d’élections programmées le 24 juillet prochain, le pays a déjà connu deux Premiers ministres et l’économie est toujours en souffrance.
En 2011, les différentes estimations tablent sur une croissance économique tunisienne située entre 0 et 1%, plombée par la très lente reprise de l’industrie du tourisme.
Une diplomatie bilatérale érodée
Au-delà de son aspect économique, la visite d’Alain Juppé à Tunis doit constituer le point de départ d’une normalisation des relations entre les deux pays. Après s’être illustré par ses errements dans la gestion du dossier tunisien, le Quai d’Orsay – dirigé à l’époque par Michelle Alliot-Marie – a multiplié les maladresses.
Le remplacement de son ambassadeur Pierre Ménat, le 26 janvier 2011, avait tout d’abord été perçu d’un bon œil par les Tunisiens. Le choix de son successeur, Boris Boillon, est venu rapidement saper les efforts de la diplomatie française.
Boillon, un proche du président Sarkozy, a été contraint de s’excuser publiquement à la suite d'une série d'échanges malheureux avec des Tunisiens. Il avait notamment qualifié de "débiles" et de "n’importe quoi" des questions de journalistes. Boillon a été maintenu, mais des manifestations sont régulièrement organisées en Tunisie pour réclamer son départ.
Convaincre les Tunisiens que la France les soutient
Trois mois après la chute de ben Ali, la France a multiplié les appels à soutenir la relance économique du pays. Mais dans les faits, les cordons de la bourse peinent toujours à se délier. En tout et pour tout, Paris a annoncé un déblocage presque anecdotique de 350 000 euros dans le cadre d’une aide sociale d’urgence à la Tunisie.
À Tunis, Alain Juppé aura pour mission première de composer avec ce lourd passif et de tout faire pour "assurer [ses] interlocuteurs de l’engagement de la France", selon ses propres mots.
Devant des journalistes, Alain Juppé s’est efforcé de souligner cet engagement. "La Tunisie n’est pas du tout abandonnée, a-t-il assuré. Nous faisons beaucoup d’efforts pour l’aider."
Sur place, il devra en convaincre ses principaux dirigeants. Il devrait s’entretenir avec son homologue Meldi Kéfi, le président Foued Mebazaa et son Premier ministre Béji Caïd Essebsi, mais aussi les présidents des trois commissions chargées de la transition.
L’investissement, clé de voûte du redressement
Samedi, en marge d’un colloque organisé à l‘Institut du monde arabe à Paris, Alain Juppé a appelé à "investir massivement pour aider les pays en transition démocratique à rétablir leur situation économique et à retrouver un rythme de croissance suffisant."
Un sujet sur lequel il devrait s’accorder avec le Premier ministre tunisien Béji Caïd Essebsi qui a reconnu que son pays avait "besoin d'investissements pour l'avenir", à l’antenne de FRANCE 24 mardi.
Cet effort commun vers une réconciliation est crucial tant pour la Tunisie que pour la France. Si les enjeux économiques sont évidents pour Tunis, Paris sait que la réussite du processus de démocratisation de son voisin transméditerranéen est essentielle à plusieurs égards : elle offrira à l’Europe un levier supplémentaire dans le dossier sensible de l’immigration clandestine tunisienne, et pourra aussi servir d’inspiration aux autres pays qui connaissent, eux aussi, leur "printemps arabe".