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Regain de tension entre Rome et Paris au sujet d'un train d'immigrés tunisiens

Discorde entre Paris et Rome : dimanche, la France a suspendu le départ d'un train de Vintimille (Italie) qui devait acheminer des immigrés tunisiens - accompagnés de 200 militants des droits de l'Homme - vers l'Hexagone.

AFP - La France a fait suspendre toute la journée de dimanche la circulation des trains depuis la ville italienne de Vintimille vers la Côte d'Azur, alors qu'un convoi de manifestants et migrants tunisiens allait traverser la frontière, suscitant la colère de Rome.

L'Italie a dénoncé une décision "unilatérale" et a fait transmettre par son ambassadeur à Paris sa "ferme protestation" en réclamant des "éclaircissements" pour une mesure "illégitime et en violation des règles européennes" de libre circulation.

Vers 17H00 GMT, le trafic ferroviaire entre Vintimille (Italie) et Menton (France) a été rétabli. Selon le ministère français de l'Intérieur, la circulation avait été suspendue "à la demande du préfet des Alpes-Maritimes, en raison des risques de trouble manifeste à l'ordre public" que faisait courir une manifestation de militants et de migrants tunisiens.

Les militants venus du nord de l'Italie et de Venise, étaient "entre 250 et 300" et leur manifestation n'avait été ni déclarée, ni autorisée, selon le ministère français.

Plusieurs dizaines de jeunes militants des droits de l'homme, des Français et beaucoup d'Italiens, avaient pris place à Gênes à bord d'un "train de la dignité" devant accompagner des migrants tunisiens jusqu'à Nice (sud-est de la France). Ils avaient annoncé vouloir "défier les blocages gouvernementaux pour ouvrir les frontières, garantir le libre accès au territoire européen, et rappeler qu'aucun être humain n'est illégal".

Mais à la mi-journée, avec l'annulation des dessertes régionales vers la France, leur train s'est retrouvé bloqué à Vintimille, dernière ville italienne avant la frontière. Dans le sens inverse, les convois venant de Nice étaient stoppés dès Menton, contraignant les voyageurs à se rendre en taxi à Vintimille pour poursuivre leur voyage.

Indignés, environ 200 manifestants italiens et français se sont regroupés en cortège, aux côtés de nombreux immigrés tunisiens, pour crier leur colère dans les rues de la ville. Scandant "liberté", "liberté", ils ont tenté de se rendre devant le consulat de France mais en ont été empêchés par des carabiniers.

Les militants ont alors décidé d'occuper les voies. "Nous sommes tous des clandestins!", ont crié en boucle les Européens, sympathisant au fil des heures avec les immigrés venus aussi réclamer de circuler librement en Europe.

Majouri, 28 ans, un pêcheur tunisien originaire de Sfax, tenait fièrement une banderole. Arrivé il y a un mois à Lampedusa (sud de l'Italie), il a à son actif trois tentatives d'incursion en France, deux à pied et une en train mais cette fois, il est muni de documents délivrés par les autorités italiennes. "Je ne pensais pas que ça serait bloqué pour aller en France. Je ne comprends pas", soupire-t-il.

"On finira par y arriver!", lui lance son ami Rabir, en sortant son "titre de voyage pour les étrangers", un élégant livret en carton vert foncé, délivré par la République italienne et un permis de séjour sous forme de carte électronique orangée.

Rome a décidé d'octroyer des permis de séjour de six mois aux plus de 20.000 Tunisiens arrivés sur ses côtes depuis janvier, pour qu'ils puissent rejoindre "amis et parents" en France et ailleurs en Europe. Selon les médias italiens, une vingtaine de Tunisiens ont passé avec succès les contrôles frontaliers vers la France depuis samedi.

Paris s'est irrité de cette initiative, exigeant que les migrants possèdent aussi un passeport et des ressources suffisantes.

"Cette frontière devrait être ouverte, c'est un déni de démocratie", proteste Neva, d'un bureau d'aide aux étrangers à Bologne (nord-est).

Vers 17H30 locales (15H30 GMT), les manifestants se sont dispersés et ont quitté la ville, avant la reprise de la circulation.