
Les autorités chinoises viennent d'adopter une mesure qui interdit la représentation de personnages historiques et l'utilisation du procédé de voyage dans le temps dans les médias. Trivial ? Pas tant que ça.
Comment dit-on Marty McFly – le personnage principal du film Retour vers le futur - en chinois ? Ne vous posez plus la question, car depuis le début du mois d’avril, il est tout simplement interdit d’en parler en Chine, du moins dans les médias. Le Sarft [l’autorité de contrôle des médias, NDLR] a édicté une nouvelle réglementation surnommée par ses contempteurs "l’interdiction des voyages dans le temps".
Cette règle n'est pas si triviale que cela. "Il s’agit d’un ensemble de recommandations qui visent à éviter toute représentation de personnages historiques de peur qu'il y ait une distorsion avec la vision officielle du Parti communiste", précise à FRANCE 24 David Wolf, un expert américain en médias chinois basé à Pékin.
Pékin s’inquiète de la tentation de certains médias d’utiliser le thème des "voyages dans le temps" pour revisiter l’histoire du pays et de miner au passage la légitimité du Parti communiste. " Les émissions historiques ne sont jamais à prendre au premier degré en Chine, et une référence à un empereur passé, par exemple, peut parfaitement être une critique du président Hu Jintao", rappelle David Wolf.
Une crainte d’autant plus forte que la "mythologie communiste" insiste sur le caractère inégalitaire de la société précédant la révolution chinoise. Les autorités ne peuvent pas se permettre de remettre en cause cette lecture historique alors que les inégalités dans le pays se creusent. Haro donc sur les "voyages dans le temps".
Pékin ne veut pas non plus d'une promotion du luxe
Cette nouvelle réglementation n’est que la dernière goutte en date dans un vase de nouvelles mesures. Les autorités sont, en effet, en train de serrer les vis tous azimuts "pour éviter que des tensions sociales ne dégénèrent en mouvement de protestations", explique encore l’expert américain à FRANCE 24.
Fin mars, les autorités ont ainsi pris en grippe le luxe et l’ostentatoire. Pékin a alors interdit les publicités pour des marques de luxe. "Le gouvernement commence à s’inquiéter de la multiplication des émissions qui vantent le mode de vie des riches", note David Wolf. Les publicités pour des produits que la majorité des Chinois ne peuvent s’offrir sont le miroir d'une société de plus en plus à deux vitesses.
Depuis l’été 2010, les autorités chinoises craignent que leur croissance à deux chiffres et la disparité grandissante des revenus au sein de la population n'engendrent des effets pervers. Pour éviter que le sentiment d’injustice des moins riches ne s’installe, Pékin a donc multiplié les initiatives pour redresser la barre. "Le Sarft promeut les émissions où les plus riches sont vertement critiqués par les présentateurs, et depuis quatre ou cinq mois, les poursuites contre les criminels en cols blancs se sont multipliés et sont largement relayées dans les médias", observe David Wolf.
Marty McFly n’est donc qu’une victime collatérale dans cette affaire de chasse aux obstacles à l'hamrmonie sociale. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Hu Jintao, lors de la dernière réunion plénière du Parti en octobre 2010, avait martelé les vertus d’un nouveau concept, "la croissance incluante", favorisant la répartition des richesses.