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Suite à une demande déposée par la famille de l'ancien président chilien Salvador Allende, la justice a ordonné l'exhumation de sa dépouille afin d'établir s'il s'est suicidé ou s'il a été assassiné lors du coup d'État de 1973.

AFP - La justice chilienne va exhumer, 37 ans après, les restes de l'ancien président chilien renversé Salvador Allende pour savoir s'il s'est suicidé ou a été abattu lors du coup d'Etat de 1973, dans le cas le plus emblématique de centaines d'enquêtes relancées récemment sur la dictature.

Les restes d'Allende seront exhumés dans "la deuxième quinzaine de mai" en vue d'une autopsie, a indiqué à l'AFP un porte-parole du pouvoir judiciaire, confirmant l'ordonnance du juge Mario Carroza pour l'exhumation. Il accède à une demande formelle déposée par la famille mercredi.

Allende, président socialiste du Chili depuis 1970, est mort par balle à l'intérieur de La Moneda, le palais présidentiel de Santiago bombardé par l'armée de l'air, lors du putsch du 11 septembre 1973, qui porta au pouvoir le général Augusto Pïnochet. Allende avait 65 ans.

Quelques heures après sa mort, une autopsie avait été pratiquée à l'Hôpital militaire de Santiago, et selon la version des autorités ainsi que des témoignages -dont celui de son médecin-, il s'était suicidé en se tirant une balle sous le menton, apparemment avec un fusil d'assaut AK-47 offert par son ami, le dirigeant cubain Fidel Castro.

La famille Allende elle-même à ce jour privilégie la thèse du suicide.

"Ce n'est pas que la famille ait changé d'opinion, ou que nous ayions des doutes que nous n'avions pas avant, mais nous soutenons une enquête judiciaire qui n'avait jamais eu lieu", a déclaré Isabel Allende, parlementaire socialiste et fille d'Allende, sur CNN-Chile.

"Il nous semble extrêmement important pour le pays et le monde, de pouvoir établir, juridiquement, les causes et les circonstances de sa mort, qui furent d'une extrême violence".

La justice a rouvert en janvier une enquête sur la mort d'Allende, ainsi que sur 725 autres cas de crimes contre les droits de l'Homme sous la dictature (1973-90), disparitions ou morts surtout, qui n'avaient jamais été traités faute de plaintes.

La dictature a fait plus de 3.100 morts ou disparus.

Au total, un peu plus de 700 anciens agents militaires, policiers, civils, de la dictature ont été condamnés ou sont poursuivis pour des crimes contre les droits de l'homme a cette époque.

Le dictateur Augusto Pinochet, qui a quitté le pouvoir en 1990, est mort d'un infarctus en 2006 à l'âge de 91 ans, sans jamais avoir été jugé.

L'exhumation est la suite logique de la réouverture de l'enquête et le juge l'aurait ordonnée lui-même. Mais la famille a décidé symboliquement de faire une demande formelle, a expliqué cette semaine Isabel Allende.

La version officielle de la mort d'Allende a été mise en doute ces dernières années par certains secteurs politiques et des droits de l'Homme.

Un médecin-légiste réputé, Luis Ravanal, a nourri ces doutes dans un rapport en 2008, en estimant sur la base de l'autopsie de 1973 que les blessures n'étaient "pas compatibles avec un tir de type suicide".

Le journaliste chilien Camilo Taufic, auteur d'un livre sur le le coup d'Etat, défend la thèse du "suicide assisté", selon laquelle un membre de la garde d'Allende aurait donné le coup de grâce avec un pistolet, Allende s'étant blessé. Une mise en scène aurait alors été convenue, intégrant l'AK 47, par le général qui commandait l'assaut sur La Moneda.

Isabel Allende a rappelé vendredi que la famille d'Allende ne put jamais voir son corps Sa dépouille fut transférée par hélicopère le lendemain à Vina del Mar, à 120 km sur la côte, ou il fut inhumé en présence de ses trois filles et de son épouse Hortensia Bussi, décédée elle-même en 2009 à l'âge de 94 ans.

"Ils n'ont pas laissé ma mère ouvrir le cercueil", a rappelé Isabel Allende.

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